Métrique en Ligne
DLR_6/DLR656
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VIII
DEUILS ROUGES
JEAN
Voici qu'on t'a couché doucement dans le bleu 12
De cette Méditerranée 8
Et que je viens te voir aujourd'hui, mon neveu, 12
Second mort de ma sœur aînée. 8
5 Pour monter jusqu'à toi j'ai marché sous les pins 12
Où, calme, en pleine poésie, 8
La rade de Toulon d'azur se rassasie, 12
Et de profonds reflets alpins. 8
La grande mer au loin qui ne peut pas se taire 12
10 Se voit par dessus le talus. 8
Qu'elle semble propice aux vivants, cette terre 12
Livrée à ceux qui ne sont plus ! 8
Parmi des bruits perdus de vagues et de môle, 12
Tous ces soldats couchés, sans voix, 8
15 Je ne les devinais qu'au rang serré des croix 12
Debout, épaule contre épaule. 8
Je pensais : « Me voici ! J'ai longé ce chemin. 12
Je respire. Je suis la vie ! » 8
Et j'allais vers la mort un bouquet à la main 12
20 Parfumant la route suivie. 8
Tu reposes donc là, grand garçon vertueux 12
Que la guerre fit héroïque ! 8
Je n'ai pas oublié la flamme de tes yeux 12
Où jamais ne fut rien d'oblique. 8
25 Longs et noirs ils vivaient, pleins d'indignation, 12
Ou, d'autres fois, d'enthousiasme ; 8
Et, lorsque tu rendis l'esprit, ton dernier spasme 12
Dut être un cri de passion. 8
O jeune paladin parti pour la croisade, 12
30 Petit Godefroy de Bouillon, 8
Sous ces pins traversés par le bleu de la rade, 12
Que dorme ton cœur de lion. 8
La grande mer est là pour bercer tes longs rêves 12
Et tes courtes réalités. 8
35 Dors pour toujours au bruit des vagues sur les grèves 12
Et du vent dans les pins hantés. 8
Sur notre route humaine où tout élan dévie, 12
Qu'aurais-tu fait de ta vertu ? 8
Quand on est comme toi, mon pauvre enfant, vois-tu, 12
40 La mort vaut bien mieux que la vie. 8
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