Métrique en Ligne
DLR_6/DLR628
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VII
LA GUERRE
SAINTE CATHERINE
Je l'aime d'un amour plus que jamais ardent, 12
Mon vieux clocher natal vêtu d'ardoise grise. 12
Il est un peu moulin ; il vit, indépendant, 12
Tout au bout de la place, en face de l'église. 12
5 Ils sont deux, les clochers qui veillent sur Honfleur. 12
L'un est Saint Léonard, lui Sainte Catherine. 12
Ses fenêtres, toujours, portent des pots de fleurs, 12
Et trois cloches au moins remplissent sa poitrine. 12
Son coq d'or monte au ciel, quand le soleil reluit, 12
10 Bien plus haut que les mâts de nos barques à voiles, 12
Mais lorsque vient le soir, avec ou sans étoiles, 12
Il perd tout doucement sa pointe dans la nuit. 12
On l'entend jusqu'en mer quand le carillon gronde, 12
Voix de bronze au-dessus des grisailles des toits. 12
15 Il aime chaque jour, fidèle aux vieilles lois, 12
Sonner le couvre-feu pour endormir son monde, 12
Et nous, paroissiens, par les nuits et les jours, 12
Nous le sentons debout à côté de nos âmes, 12
Disant des contes bleus, comme les bonnes femmes, 12
20 Pour les petits enfants que nous sommes toujours. 12
Mon clocher, mon cher vieux clocher, combien je tremble, 12
Maintenant que la guerre est toute autour de nous ! 12
S'il me fallait te voir succomber sous les coups, 12
Je perdrais père, mère et famille, il me semble. 12
25 Toi qui depuis toujours bourdonne d'orémus, 12
Toi qui te tiens debout sur tes vieilles béquilles, 12
Toi qui, par le beau temps et par l'averse brilles, 12
Tu ne connaîtras pas l'incendie et l'obus. 12
Humble chose, que Dieu te garde de la guerre ! 12
30 Nous te vénérons tous si passionnément ! 12
Paisible sur ta place et faisant ta prière, 12
Sois sauvée à jamais du canon allemand. 12
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