Métrique en Ligne
DLR_6/DLR619
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VII
LA GUERRE
BALLADE DU MOBILISÉ
Le garçon s'en revient des champs. 8
Il mène la haute charrette 8
Où la récolte, en tas penchants, 8
Va vers la grange toute prête. 8
5 C'est le beau mois de la moisson. 8
Le garçon, légèrement ivre, 8
A sur la bouche une chanson 8
Qui dit tout son bonheur de vivre. 8
Devant le premier des hameaux 8
10 Il entend le tambour qui sonne 8
Et, soudain arrêté, frissonne, 8
Doutant s'il a compris ces mots : 8
« Amis, la guerre est déclarée, 8
Que chacun rejoigne son corps. 8
15 Venez tous en troupe serrée, 8
A nous les jeunes et les forts ! » 8
Aussitôt une sainte transe 8
S'empare en même temps de tous ; 8
Un seul cri dit : « Vive la France ! 8
20 L'Alsace et la Lorraine à nous ! » 8
Le garçon a repris sa route 8
Au pas pesant de ses chevaux. 8
Son âme se soulève toute 8
Et s'élance par monts et vaux. 8
25 A la ferme, il entre : « Mon père, 8
Ma mère, et toi, ma sœur, je pars. 8
Voici l'heure des grands départs, 8
Vive la France ! C'est la guerre ! » 8
Après la première stupeur, 8
30 Chacun en sanglotant l'embrasse, 8
Mais lui, garçon de bonne race, 8
Leur dit : « Je reviendrai vainqueur ! 8
« Au revoir, ô ma belle ferme, 8
Au revoir, ô miennes et miens ! 8
35 Après avoir combattu ferme, 8
Dans quelques mois je vous reviens. 8
« Toi, mère, et toi, ma sœur Marie, 8
Pour moi récitez un Ave. 8
Allons, enfants de la Patrie, 8
40 Le jour de gloire est arrivé ! » 8
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