Métrique en Ligne
DLR_6/DLR615
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VI
PROPHÉTIQUES
LIÈGE
Je me rappellerai cette verte hauteur 12
D'où j'ai vu s'étager la travailleuse Liège, 12
Fantastique cité, récit de vieux conteur, 12
Sous un nuage immense et changeant qui l'assiège. 12
5 Le soleil disparu, sous un mince croissant 12
Qui tient seul, dans le ciel, la place encore rouge, 12
Lune en profil, bijou du soir, unique accent 12
Du décor ardoisé, vaporeux et qui bouge, 12
Tout ce qui fume est là, blanc, gris, et se confond 12
10 Avec le grand nuage, avec la Meuse pâle. 12
Noire, une flèche dit l'église cathédrale. 12
D'autres pointes encor percent le vague fond 12
Quatre plans de maisons pas encore allumées. 12
Hauts fourneaux et clochers hérissent les bouillards ; 12
15 Et, dans le même sens, vont toutes les fumées, 12
Rejoindre on ne sait où les nuages fuyards. 12
L'ombre tombe, alentour, sur la douce campagne. 12
Mis je sais deux points noirs de l'espace endormi : 12
Ici c'est la Hollande, et là c'est l'Allemagne, 12
20 Les frontières déjà, l'étranger, l'ennemi… 12
Pays flamands, pays wallons, petites Frances, 12
N'oubliez pas de qui vous êtes les enfants, 12
Ni toi qui, des voisins trop proches, te défends, 12
O Liège, capitale étrange des nuances ! 12
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