Métrique en Ligne
DLR_6/DLR612
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
V
ARRIÈRES-SAISONS
ALLAH OUAHDOU
Un petit cadre étroit garde une feuille d'arbre ; 12
Ce végétal squelette au complexe contour 12
Porte une inscription tracée avec amour 12
En grandes lettres d'or, comme on fait sur le marbre. 12
5 Pour la feuille, elle vient de quelque vieux tilleul. 12
Mais de quel Al Koran vient la calligraphie ? ? 12
Le grimoire doré, haute philosophie, 12
Ne dit que ces trois mots étranges : Dieu est seul. 12
Dieu est seul !… Je relis sans cesse ces paroles. 12
10 Leur effroyable sens m'apparaît peu à peu. 12
Ces lettres d'or arabe, énergiques et molles, 12
Je les vois sur mon mur courir en traits de feu. 12
Dieu est seul… Les soleils sifflent comme des frondes. 12
Dieu est seul… Au-dessus de la création, 12
15 Regardant tournoyer les milliards de mondes, 12
Tout puissant, éternel, splendeur, perfection, 12
Rien pour Lui ne finit, rien pour Lui ne commence, 12
Il ne peut donc goûter le désir ni l'espoir. 12
Il siège à l'abandon au sein d'un vide immense. 12
20 Quel égal, près de Lui, pourra jamais s'asseoir ? 12
Parmi toute la vie autour de Lui jetée, 12
Qu'est-il à sa hauteur ? Ni le mal, ni le bien. 12
Dieu est seul ! Dieu est seul !… Il ne peut croire en rien, 12
Car, étant Dieu, c'est Lui le vrai, le seul athée. 12
25 … Nous avons plaint Satan, l'archange ravagé, 12
Qui va, traînant le faix de ses deux ailes sombres. 12
Mais, dans l'horreur des lois, des rythmes et des nombres, 12
La tristesse de Dieu, qui donc y a songé ? 12
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