Métrique en Ligne
DLR_6/DLR611
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
V
ARRIÈRES-SAISONS
LA GRANDE SOLITUDE
La grande solitude où mon âme s'affine, 12
Je l'absorbe sans cesse et jusqu'au fond de moi, 12
Comme d'autres de la morphine. 8
L'automne, immensément, m'enveloppe d'émoi, 12
5 Et le jour suit son cours tranquille, et l'heure sonne, 12
Et je n'attends rien ni personne. 8
Au soleil du dehors il me vient du bonheur, 12
Dans le silence pur de quelque vieille route, 12
A me sentir si seule toute. 8
10 Et les nuits, bien souvent, quand d'autres auraient peur, 12
Parmi l'ombre sans bruit de ma maison hantée, 12
Je sens mon ivresse montée, 8
Si haut montée, en vérité, que le désir 12
Me prend subitement de rire du plaisir 12
15 Que me font mes songes étranges. 8
Alors viennent s'asseoir avec moi près du feu 12
Les invités de mon esprit, humains un peu, 12
Mais sacrés par la mort archanges, 8
Qui vécurent aussi de grande passion, 12
20 Et dont l'âme, par mots ou musique exprimée, 12
Parle à mon âme bien aimée, 8
Qui surent comme moi l'intoxication 12
D'être seul, merveilleux et seul, d'être poète 12
Et d'avoir dans les mains sa tête. 8
25 ‒ Ainsi, muette, et loin des êtres décevants, 12
Notre réunion se passe sans vivants 12
Que moi, qui suis presque une morte, 8
ET je me dis qu'un jour, esprit, je reviendrai 12
Pour enchante le songe et l'automne doré 12
30 D'un futur rêveur de ma sorte. 8
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