Métrique en Ligne
DLR_6/DLR584
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
IV
CHEVAUX DE LA MER
L'ACCUEIL
Je tenais ce cheval fantôme par la bride. 12
Ses sabots, azurés aux plaines du ciel bleu, 12
Rendaient de la musique au choc du sol aride 12
Où ses ailes traçaient deux sillages de feu. 12
5 Il piaffait parmi la foule rassemblée. 12
Un intime soleil empourprait ses naseaux. 12
Et le hennissement de la chimère ailée 12
Enchantait l'air, les cieux, les forêts et les eaux. 12
Au devant de son pas qui danse, la nature, 12
10 Éclatant d'un immense et multiple hosannah, 12
Venait diviniser la grande créature 12
Pour l'honneur éternel du poing qui la mena. 12
Or, comme les oiseaux, autour de sa crinière 12
S'efforçaient d'embraser de lumière leur vol, 12
15 Soudain le sifflement rapide d'une pierre 12
Effleura la courbure insigne de son col. 12
La première ! Aussitôt mille pierres encore 12
Ont touché le poitrail frémissant et doré, 12
Le sabot bleu d'azur et les ailes d'aurore ; 12
20 Et l'étalon sublime est tout debout, cabré. 12
« Est-ce toi, mon cheval, est-ce toi qu'on lapide ? 12
Je me retourne. Au loin le troupeau des humains 12
Vise en grondant Celui que je tiens par la bride 12
Et dont le sang sacré va me teinter les mains. 12
25 « O foules ! Répondez ! Répondez !… Qui donc ose ? 12
Il passe parmi vous, l'être que les oiseaux 12
Saluent. Et vous… ‒ Le ciel sur son passage est rose. 12
Et l'immortalité dilate ses naseaux. 12
« Vous avez peur sans doute, étant choses mortelles, 12
30 Ou bien avez-vous cru…« Leurs insolentes voix 12
4arrêtent. Ricanant et grinçant à la fois, 12
L'unanime clameur s'élève : « Il a des ailes ! » 12
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