Métrique en Ligne
DLR_6/DLR579
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
III
LE SPHINX
A PHILÆ
Le temple menacé, pierre encor presque neuve, 12
Répète dans l'eau son profil. 8
D'avoir tant fasciné le Nil, 8
Isis, vois ton péril ! 6
5 A l'appel de tes yeux il est venu, le fleuve ! 12
Tu voulus tes sept seuils ouverts sur le mystère 12
De sa source couleur de ciel. 8
Mais, ô lumineuse, ô soleil ! 8
Du bout de ton orteil 6
10 Tu l'écartais, ce Nil, esclave qu'on fait taire. 12
Ses vagues, à présent, courent, toujours plus fortes, 12
A l'assaut de tes divins pieds. 8
Les murs peints moisissent, noyés. 8
Vers l'ombre où tu t'assieds, 6
15 Le flot profanateur va franchir les sept portes. 12
Sens-tu déjà sur toi l'approche de l'étreinte ? 12
Il vient ! Il avance toujours ! 8
Les hommes, aidant ses amours, 8
Ont détourné son cours… 6
20 Va-t-il te posséder, toi plus que trois fois sainte ? 12
Au plus creux de ton temple, après les sept entrée, 12
Cache-toi ! car il t'est resté 8
Ce dernier pan d'obscurité. 8
Cache-toi, Pureté ! 6
25 Ramène tes pieds nus sous tes robes sacrées ! 12
Dis que tu n'as pas peur de l'eau qui décompose 12
Les belles couleurs de jadis. 8
On ne profane pas Isis ! 8
Philæ, l'île oasis. 6
30 Le temps l'a respectée… Aujourd'hui qui donc ose ? 12
Des rêveurs ont pleuré sur l'immense détresse 12
Du temple submergé qui meurt. 8
Remercions cette ferveur, 8
Salut à leur douleur ! 6
35 Mais la mort de Philæ n'atteint pas la déesse. 12
L'eau pâle peut monter jusqu'au haut de la frise, 12
Qu'importe le contact impur ? 8
La voûte s'ouvre sur l'azur. 8
Isis au vol sûr, 5
40 Ils auront pris ton temple et ne t'auront pas prise ! 12
Je suis venue aussi par soleil, palmes, sable, 12
Grand âme, ô pierre qui t'en vas ! 8
Mais moi qui sais o^tu seras, 8
Moi je ne pleure pas : 6
45 Je connais le refuge où vit l'Inviolable. 12
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