Métrique en Ligne
DLR_6/DLR565
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
II
ADMIRATIONS
PAUVRE MORCEAU DE BOIS…
Pauvre morceau de bois qui n'était qu'une bûche 12
Qu'on avait mise dans un coin 8
Au fond du cellier noir où mainte chose juche 12
Parmi des pommes et du foin. 8
5 A toi, ce soir, l'honneur de l'ample cheminée, 12
A toi les grâces du salon ! 8
Tu vas brûler afin que le temps soit moins long, 12
Plein des tristesses de l'année. 8
Tu vivais autrefois à l'arbre, en quelque pré, 12
10 Le printemps aux bourgeons sans nombre, 8
L'épais été, l'automne élégant et doré, 12
L'hiver tout blanc sous un ciel sombre, 8
Toutes les quatre au vent tu berçais les saisons, 12
Deux vertes, la jaune et la blanche. 8
15 Tu savais les secrets innocents d'une branche, 12
Qui valent bien ceux des maisons… 8
Ce soir tu vas brûler, ô vieille chose morte ! 12
Les secrets ne sont pas finis. 8
Tu savais qu'une branche, une fois sèche, porte 12
20 Autre chose encor que des nids. 8
Il va naître de toi qui n'es plus rien, des flammes ! 12
Beaucoup plus belles que des fleurs, 8
Les flammes, purs esprits, elfes, démons, dieux, âmes, 12
Miracles de toutes couleurs ! 8
25 Quand tu ne seras plus qu'un vieux reste de souche 12
Où rougeoie encore un tison, 8
Tu deviendras pareille au sous-bois où se couche 12
Un soleil rouge à l'horizon. 8
Lorsque la flamme aura terminer ses désastres, 12
30 Tu seras quelque chose encor. 8
Le tison, en mourant, fait de tout petits astres, 12
Étincelles d'argent et d'or. 8
Ainsi tu contenais ces elfes et ces fées, 12
Ces étoiles, ce pourpre soir, 8
35 Tout ce qui va sortir de tes fibres chauffées, 12
Pauvre bûche du cellier noir ! 8
Le feu qui va monter, le feu qui va descendre 12
Sera l'ouvrage de ton corps, 8
Et tu te survivras, après toutes tes morts, 12
40 Dans la noblesse de la cendre. 8
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