Métrique en Ligne
DLR_5/DLR548
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
CHEZ NOUS
LE VENT NOCTURNE
Comme quelqu'un, par la fenêtre grande ouverte 12
Cette nuit grondeuse, est entré le vent. 10
Dans mon lit je gisais, inerte, 8
Lazare du sommeil, qui redevient vivant. 12
5 Il réveilla le chœur d'esprits qui me possède. 12
Sa voix me donnait un ardent conseil 10
— Debout, démon, rôdeuse, aède ! 8
Viens voler avec moi le grand vent, ton pareil ! 12
Il disait : « Tu fuiras dans la nuit, invisible, 12
10 Comme la bourrasque et comme les morts. 10
Tu serais tes aïeux sans corps 8
Et ton père, ce mort d'hier, encor sensible. » 12
Il disait : « Tu serais hiboux et revenants, 12
Tout ce qui se plaint sans vouloir se taire, 10
15 Tu serais le cri du mystère 8
Qui s'élève, les nuits, sur des rythmes traînants. » 12
Il disait : « Lève-toi ! debout, fille nocturne ! 12
Tu portes un masque au cœur, ôte-le, 10
Ensauvagée et taciturne 8
20 Sœur de l'air et de l'eau, de la terre et du feu ! » 12
Il disait : « Fais semblant, au soleil, d'être humaine, 12
Mais, quand vient la nuit, subis ton destin. 10
Âme sans bornes, je t'entraîne, 8
Sois le vent, le grand vent, le vent jusqu'au matin !…» 12
25 Lors j'ai pris l'envergure informe et gigantesque 12
Espace, dis-nous, ô toi, notre amant, 10
Si ce fut tout, à fait ou presque 8
Que régna la tempête, épouvantablement ? 12
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