Métrique en Ligne
DLR_5/DLR547
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
CHEZ NOUS
A MAMAN
Notre père est parti, mais du moins tu nous restes 12
Et nous te garderons, touchante veuve en deuil, 12
Pauvre maman si douce avec tes petits gestes, 12
Qui ne connus jamais Je vice ni l'orgueil. 12
5 Te voici toute seule à présent, frêle chose 12
Trottinante et sans bruit, — oh ! ton cher petit dos ! — 12
Notre mère aux grands yeux, encore fraîche et rose, 12
Visage coutumier sous d'éternels bandeaux. 12
Rien de toi n'a changé. C'est le môme silence 12
10 Fait d'abnégation et de timidité. 12
Toujours nous t'aurons vue,humble dans ta bonté 12
Qui ne se lasse point, qui toujours recommence. 12
Sans cesse tu donnas et ne demandas rien, . 12
Cœur innocent, candide, étranger aux intrigues. 12
15 En échange des soins de tes deux mains prodigues, 12
Peut-être voulais-tu qu'on t'aimât toujours bien. 12
Tes mains, tes bonnes mains ! Ma tendresse les baise 12
Respectueusement, longuement, à genoux. 12
Si je te le disais, tu serais mal à l'aise, 12
20 Et me repousserais avec un rire doux. 12
Autrefois, au milieu de ta grande famille, 12
Tu vivais, poule heureuse après la couvaison. 12
Maintenant tes-poussins ont grandi. Chaque fille 12
A son tour a quitté, comme un nid, la maison. 12
25 Elles vivent ailleurs, toutes si dissemblables 12
Qu'on ne les croirait point venant du même essaim. 12
Toutes ont cependant sucé ce même sein 12
Qui dort, vieilli, parmi tes robes raisonnables. 12
Comme on t'aime toujours ! Oui, passionnément. 12
30 Pourquoi n'ose-t-on pas en face te le dire ? 12
C'est qu'on craint ta rougeur, tes yeux, ton petit rire… 12
— Mais la voix tremble un peu quand on te dit : « Maman. » 12
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