Métrique en Ligne
DLR_5/DLR519
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
CINQ POÈMES POUR LA FRANCE
III
POUR LE DRAPEAU
Bien, blanc, rouge au-dessus du flot des foules mornes, 12
C'est le drapeau ! C'est le drapeau ! 8
Saluez ! C'est la liberté, mise en impôt, 12
C'est la routine sans pitié, ce sont les bornes ! 12
5 Le régiment exact l'entoure, obéissant, 12
Comme un seul grand monstre qui rampe : 8
Tous ces hommes, autour de la fatale hampe, 12
Ont l'air d'avoir trempé leurs jambes dans le sang. 12
Ils ne sont rien, sinon des centaines de mille, 12
10 Quand chacun d'eux était quelqu'un. 8
Soldats-, forçats sans crime et plèbe sans tribun, 12
La chiffe aux trois couleurs flotte et vous assimile ! 12
Et vous suivez cela, gris de soumission, 12
Enfants de la misère humaine ! 8
15 Vous suivez la musique en cuivre qui vous mène 12
Attaquer sans rancune, haïr sans passion ? 12
Vous passez ! Ma raison se dresse, furieuse, 12
Pour vous crier : « Ne suivez pas ! » 8
Et tout à coup mon cœur, au bruit sourd de vos pas, 12
20 Se tend et bat une chamade glorieuse. 12
— Tu n'es pas ma raison, mon cœur ! Cesse ! Obéis ! 12
Arrête ces battements ivres ! 8
Pourquoi dis-tu que ce drapeau c'est mon pays, 12
Sa couleur, son odeur, ses arts, ses chants, ses. livres ? 12
25 Pourquoi dis-tu que-c'est ce que j'ai dans la peau ? 12
Je suis d'une plus vaste race ! 8
Ma raison ! Ma raison ! A moi !… Le Drapeau passe 12
Et voici que j'envoie un baiser au drapeau ! 12
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