Métrique en Ligne
DLR_5/DLR518
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
CINQ POÈMES POUR LA FRANCE
II
PATRIE
Ils ne peuvent sentir autant que moi, les miens, 12
France Mère, le nœud gordien qui les lie, 12
Parce qu'ils n'ont jamais tiré sur leurs liens. 12
Du voyage, ils n'ont su que la mélancolie 12
5 De ceux qui, l'œil perdu, rêvent d'aller ailleurs, 12
Et pour qui le départ est la belle folie. 12
Ils ne voient point assez, songeant à d'autres fleurs, 12
Tes fleurs, et leur regard n'adore pas tes femmes ; 12
Le goût d'autres parfums leur ôte tes odeurs 12
10 La France ! c'est pourtant la même race d'âmes. 12
On y. regarde, lit, écoute comme moi, 12
On brûle sa pantoufle au feu des mêmes flammes. 12
C'est la table servie où l'on mange, où l'on boit, 12
Où l'on parle, ou l'on rit de la même manière. 12
15 C'est la même coutume et c'est la même loi. 12
C'est la patrie, enfin ! C'est cette aise plénière 12
Qui fait qu'on vit et meurt sans nul étonnement 12
Dans la communauté tranquille et familière. 12
C'est l'aiguille des cœurs vers un semblable aimant, 12
20 C'est ce que nous aimons, sans nous en rendre compte 12
Inévitablement et passionnément. 12
Qu'elle vienne à subir, ta France, quelque honte, 12
Et tu verras, Français, l'unanime réveil ! 12
Si c'est la gloire, alors comme ton orgueil monte ! 12
25 C'est qu'en toi tu nourris, que tu sois jeune ou vieil 12
Le sentiment caché d'une ancienne terre, 12
D'un climat ancien, d'un ancien soleil. 12
Tes yeux se sont ouverts à la seule lumière 12
De France, et cet éclat t'est resté dans les yeux. 12
30 Aime donc ta patrie ! Aime-la, cette ornière 12
Que te creusa la roue auguste des aïeux ! 12
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