Métrique en Ligne
DLR_5/DLR488
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
LA MER
POÈME DU HARENG
L'hiver est revenu, l'horizon est plus grand, 12
La tempête nous mord de ses gueules ouvertes. 12
Mais, à travers les vagues vertes, 8
Par milliers passe le hareng. 8
5 Le hareng passe ! Au large ! Allons à sa conquête ! 12
Il n'est pas trop des nuits, il n'est pas trop dès jours ! 12
Nous avons le cœur plus en fête 8
Que ceux qui vont vers leurs amours. 8
Oh ! quand la voile pend, couleur de feuille morte, 12
10 Quand la barque, le long du port noir et mouillé, 12
Sous le hareng frais quelle porte 8
Luit comme l'argent monnayé ! 8
C'est alors que le quai jusqu'à la nuit travaille 12
Au bruit sourd des marteaux sur les caisses de bois 12
15 Parmi le grouillement des voix 8
Et des pieds glissant sur l'écaille. 8
Les commères d'Honfleur qui lavent le poisson 12
Penchant vers les baquets leurs larges gorges mûres 12
Ont à chaque ongle un fin glaçon 8
20 Et la bouche pleine d'injures. 8
Il faut bien avouer qu'elles ont un peu bu 12
Ces poissardes du quai courageuses et rauques. 12
Mais c'est qu'elles en ont tant vu 8
Depuis que s'ouvrent leurs yeux glauques ! 8
25 Quand la mer nous roulait à travers les hasards, 12
Nous les mâles brutaux, abreuvés de rogommes, 12
Nos campagnes ont fait des hommes 8
Et peuplé le pays de gars. 8
Au travail donc, nous tous, les gueux avec les gueuses 12
30 Tous les chaluts, par le chenal, rentrent en rang, 12
Soyons gais, puisque le hareng 8
Fait nos pèches si poissonneuses. 8
La vie est rude à vivre au vent cassant et clair, 12
Oui ! mais chacun de nous, la poche-presque pleine. 12
35 Peut avoir un peu moins de haine 8
Pour l'ennemie au loin, la mer ! 8
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