Métrique en Ligne
DLR_5/DLR484
Lucie Delarue-Mardrus
PAR VENTS ET MARÉES
1910
LA MER
APOSTROPHE
Nous qui sommes pêcheurs sur tes flôts, nous qui sommes 12
Des pauvres n'ayant rien pour vivre que nos bras, 12
Nous ne te quittons point, la mer ! C'est nous, tes hommes 12
Et pourtant nous ne t'aimons pas. 8
5 Les poètes toujours nous parlent de sirènes, 12
Mais nos cœurs sont remplis d'un souci plus urgent. 12
Et si, de l'aube au soir, tu nous prends et nous mènes, 12
C'est que ton poisson frais reluit comme l'argent. 12
Ils chantent ta splendeur et peut-être es-tu belle, 12
10 Mais le pauvre a des yeux qui ne regardent rien, 12
Et si nous t'épousons, mer mauvaise, ô femelle ! 12
Ce n'est qu'à cause de ton bien. 8
Autour de nous, la faim ouvre toutes ses bouches : 12
Nos enfants sont chez nous qui demandent du pain. 12
15 — A nous la voile rouge et le mât de sapin, 12
Et le poisson capté, par couches et par couches ! 12
Nous savons le danger caché dans nos filets, 12
Et que, malgré le port, la bouée et le phare, 12
Invisible et guettant ces hommes que tu hais, 12
20 La mort est toujours à la barre. 8
Mais la vie avant tout, même en risquant la mort ! 12
Si nous devons périr quelque jour dans la lutte, 12
Éternelle ennemie, ô mer, ô grande brute, 12
Nous t'aurons pris quand même un peu de ton trésor ! 12
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