Métrique en Ligne
DLR_4/DLR438
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
EN MARGE
IN MEMORIAM
Pendant que je suis jeune et vivante, grand’mère, 12
Te voici morte, toi, sans rien dire, au pays. 12
Par quelque jour glacé de la saison amère. 12
Quand les prés ne sont pas encore épanouis. 12
5 Je pense tendrement : tu fus si longtemps femme. 12
Et toute la fatigue était dans tes genoux. 12
Tu te reposes donc enfin, de corps et d’âme, 12
Dans la terre foncée et fraîche de chez nous. 12
Ta beauté n’était plus qu’une feuille séchée. 12
10 Tu n’auras maintenant ni forme ni couleur. 12
Plus rien d’humain, plus de regard et plus de cœur 12
Où loger ta tristesse apparente ou cachée. 12
Ton esprit, compliqué jadis, était en toi 12
Devenu par avance aussi simple, à la longue, 12
15 Que les Heurs qui naîtront bientôt de ton corps froid 12
Lorsque, au vent, germera ta sépulture oblongue… 12
Donc, l’étroit cimetière entre deux chemins creux 12
Ayant enseveli ta figure dernière. 12
Cette saine vieillesse et sa carrure fière, 12
20 Ce visage au beau nez de ruse, aux jolis yeux, 12
Requiescat sur toi, vieille dame normande ! 12
Que la terre soit douce aux os qu’elle a couverts, 12
Et que bientôt l’Avril des champs et des prés verts 12
Balance sur ta mort une branche gourmande… 12
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