Métrique en Ligne
DLR_4/DLR437
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
EN MARGE
PRÉSENCE
Il faut que Dieu vive et que tu existes, 10
Pour que brûle en moi cet encensoir en feu 11
Vers ta face opposée à la face de Dieu, 12
Bien aimé des purs, des invaincus, des tristes. 11
5 Longtemps, sans savoir, parmi tous les chants 10
Terrestres, j’ai suivi ta voix suraiguë. 11
Et mes yeux s’attardaient encor, la nuit venue, 12
A voir ton manteau traîner dans les couchants. 11
J’ai touché ton corps luisant dans les vagues. 10
10 Je t’ai respiré dans les subtils flacons. 11
J’ai deviné parfois tes yeux troublés et longs 12
D’idole, entr’ouverts parmi certaines bagues. 11
Maintenant je sais tes tours et détours 10
Et comment tu vis dans l’énigme profonde 11
15 Des lignes, dans le coin des bouches de Joconde, 12
L’équilibre des plis, l’axe des contours. 11
Je sais pourquoi j’aime et hais le supplice 10
Des dissonnants, des énervants violons 11
Et de l’art agressif avec ses vases longs 12
20 Comme empoisonnés de leur vernis trop lisse. 11
Je sais pourquoi j’erre avec l’âme en deuil 10
Éprise des reflets des eaux indicibles. 11
Sombre et sombre, les mains vers tous les Impossibles, 12
Dans l’exaltation dure de l’orgueil. 11
25 Je sais pourquoi vont quelquefois mes songes 10
Vers l’incomplet et vers l’indéterminé. 11
Pourquoi me plaît le mal du baiser détourné. 12
Pourquoi m’attire l’ombre et tous ses mensonges. 11
— Donc, ô toi ! présent dans tout ce chaos 10
30 Qui fait mon bonheur trouble et mélancolique. 11
Toi dont je cherche en vain la face archangélique, 12
Prise dans les reflets, les ombres, les eaux. 11
Grâce ! donne-moi ta bouche de femme, 10
Ton odeur de lys, ton regard orageux, 11
35 Pour que brûle à ton souffle et se noie en tes yeux 12
Ma sensualité qui peut-être est mon âme ! 11
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