Métrique en Ligne
DLR_4/DLR431
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
EN MARGE
MÉDITATION SUR UN VISAGE
J’ai douloureusement médité devant vous 12
Et j’ai pleuré sur vous, vieille dame étrangère 12
Qui ne pouviez savoir ma jeunesse légère 12
Occupée à fixer vos traits pâles et mous. 12
5 Je m’étonnais si fort que vous fussiez rieuse, 12
Moi qui d’abord pensais que vous n’aviez plus rien 12
Ayant à tout jamais perdu l’unique bien 12
D’être tentante, d’être étrange et vaporeuse. 12
La vie est-elle donc moins dure qu’on ne croit, 12
10 Puisqu’elle soigne encor comme une bonne mère. 12
Qu’elle sait égayer cette vieillesse amère 12
Où tout semblait devoir n’être que morne et froid ? 12
Et pourtant avec quelle épouvante cachée 12
Je regardais, songeant à la blancheur de lis 12
15 De nos âges, la peau ravagée et tachée 12
De ce masque qui fut jeune femme, jadis ! 12
— Moi qui veux vivre jusqu’au bout, est-il possible 12
D’imaginer qu’ainsi je pourrai rire un jour 12
Lorsque je n’aurai plus ce trésor indicible : 12
20 L’audace, la beauté, l’entrain, l’orgueil, l’amour ?… 12
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