Métrique en Ligne
DLR_3/DLR260
Lucie DELARUE-MARDRUS
HORIZONS
1905
LE LONG DES JARDINS ET DE L'EAU
LES ROSES
A la Comtesse Jacques de Chabannes la Palice.
Nous savons que la vie encombre le lointain 12
De sa dangereuse marée. 8
Et pourtant, à travers la fenêtre carrée, 12
Vois le beau temps de ce matin ! 8
5 Le jardin mûr frémit, plein de choses écloses, 12
Mais les rosiers, mais les rosiers !… 8
Ce jour sera comme un brasier 8
Où vivra la fraîcheur émouvante des roses. 12
Quand nous nous pencherons pour respirer leur cœur, 12
10 Elles nous mouilleront la bouche ; 8
Elles pleurent quand on les touche, 8
Car un peu d'eau nocturne est dans leur profondeur. 12
Elles ont le contour lisse des belles joues ; 12
Elles ont du soufre et de For. 8
15 Les rouges ont troué tout le vert du décor 12
De leurs impérieuses roues. 8
Les froides blanches vont mourir de pureté 12
En leur douceur de lingerie, 8
Mais la passionnée et pâle rose-thé 12
20 Embaume encore défleurie, 8
Et si la chaleur rend vineux 8
Le sang moins délicat des larges roses roses, 12
L'une d'elles va choir sans causes, 8
Lourde, au bout d'une tige où s'en balançaient deux… 12
25 — Toutes, nous vous prendrons en boutons ou vieillies, 12
Et nous presserons sur nos cœurs, 8
Inégales de taille, humides et cueillies, 12
Vos verdures et vos couleurs, 8
Roses, chair végétale ineffablement creuse 12
30 Pleine de sucre et de parfum, 8
Par qui, si vous comblez nos paumes amoureuses, 12
Nous oublions la vie et son sens importun ! 12
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