Métrique en Ligne
DLR_2/DLR161
Lucie DELARUE-MARDRUS
FERVEUR
1902
PRONES I
SUPRÉMATIE
A Octave Mirbeau.
Pour le désœuvrement cultivé des cinq sens, 12
Toute une humanité de bagne sue et râle… 12
Dandinons nos santés ointes d'huile et d'encens 12
Vers les quartiers où vit sa déchéance pâle. 12
5 La robe haut levée a peur des détritus ; 12
L'esprit pervers tendu vers un charme équivoque 12
Guette sournoisement pour en saisir les us 12
La sinistre beauté du vice et de la loque. 12
Un goût de barbarie anémique est dans l'air : 12
10 Seules hordes des temps présents gorgés d'absinthe, 12
Morne argot pourrissant le dialecte clair, 12
Brutes sans innocence et que la vie éreinte, 12
Leur destin de laideur, d'esclavage et de maux 12
Tatoue aux quatre coins leur pâleur faciale, 12
15 Et cette horreur, déjà transmise à leurs marmots, 12
En pleine gourme inscrit sa lettre sociale. 12
Or, songeons que ce sont ceux-là qui remueront 12
Silencieusement des masses et des masses, 12
Quand un souffle assez fort emplira le clairon 12
20 Qui saura secouer les haines et les crasses. 12
Alors, tel un terrain inconnu d'en dessous 12
Lèverait sur les fleurs ses mottes assassines, 12
Tous courront, danseront, gueuleront contre nous 12
Avec le bon droit plein leurs poings et leurs poitrines. 12
25 Mais si nos doigts dorés craquent sous leurs calus, 12
Dans leur regard vitreux où la bête se vautre 12
Nous surprendrons leur rêve avec nos yeux d'élus, 12
Tandis qu'eux, à jamais, ignoreront le nôtre… 12
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