Métrique en Ligne
DLR_14/DLR1129
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA PRÊTRESSE DE TANIT
1907
La Prêtresse de Tanit
pièce en un acte et en vers
Représentée le 2 avril 1907
au Théâtre Antique
de
Carthage
Carthage actuelle, en avril Les champs d'orge déjà verts descendent jusqu'à la mer. Ils recouvrent en partie les collines de Byrsa et d'Echmoûn. A l'horizon, une montagne violette, bilobée, sort de la mer changeante. Le vent fait frissonner l'orge. Le temps est beau et chaud. Le chœur des ouvriers, sous la direction du surveillant, travaille activement. Le poète, à l'écart, regarde, autour d'eux, tout l'attirail d'une fouille : pelles, brouettes, wagonnets, poulies, etc., etc.
Au moment où la scène commence, on va tendre les cordes qui amèneront le sarcophage, du fond de la tombe ouverte, sur la scène. Plusieurs ouvriers remplissent des brouette de terre et les vident un peu plus loin.
SCENE I
LE POÈTE, LE SURVEILLANT, LE CHŒUR DES OUVRIERS
LE CHŒUR
Nous travaillons pour le salaire, 8
Mais le but nous importe peu : 8
Avril vient, la mer est en feu, 8
Nous travaillons pour le salaire. 8
5 Si nous peinons, si nous souffrons, 8
C'est qu'il faut donner à la terre 8
L'éternelle sueur des fronts. 8
Nous travaillons pour le salaire, 8
Mais que nous importe le but ? 8
LE POÈTE
10 L'air brûlant vibre comme un luth. 8
Une mer plus calme et plus claire 8
Semble s'approfondir aux cieux ; 8
Ils travaillent, insoucieux 8
De cette magnifique terre 8
15 Et de son trésor ténébreux… 8
Ils travaillent, insoucieux 8
Des morts qui dorment dans tes tombes, 8
Carthage, ville des colombes ! 8
LE SURVEILLANT DES FOUILLES
Notre fouille s'annonce bien ; 8
20 Nous enrichirons nos vitrines 8
De joyaux, d'urnes, de terrines 8
Et de verre phénicien, 8
Car aujourd'hui le sarcophage 8
Est de la plus riche Carthage… 8
25 Travaillons tous, petits et grands, 8
Travaillons ! la terre est féconde : 8
Nous voulons étonner le monde 8
Par nos efforts persévérants. 8
LE POÈTE, à part.
Aucun d'eux n'est tremblant devant ce sarcophage. 12
30 Lequel d'entre eux, en vérité, songe à Carthage ? 12
LE SURVEILLANT, au chœur.
Mes amis, dites-moi, qui donc est celui-ci ? 12
UN OUVRIER
C'est un homme qui vient depuis trois jours ici : 12
Près de la mer, le long de l'orge, il se promène, 12
Puis il revient nous voir travailler.
LE SURVEILLANT
Qui l'amène ?
L'OUVRIER
35 On ne sait. Il connaît les choses mieux que nous : 12
Il a lu l'autre soir une pierre, à genoux, 12
Et nous a raconté ce qu'elle voulait dire. 12
LE SURVEILLANT
C'est un savant, probablement, puisqu'il sait lire 12
Et déchiffrer le sens de nos inscriptions. 12
LE CHŒUR
40 Le voici sur le bord des excavations. 12
LE SURVEILLANT
(allant au poète)
Je suis le surveillant.
(montrant la fouille)
Ceci vous intéresse ?
LE POÈTE, saluant.
Beaucoup. J'ai déjà vu bien des fouilles ; en Grèce, 12
Ailleurs…
LE SURVEILLANT
Et vous lisez nos pierres, paraît-il ?
LE POÈTE
Oui' j'aime le passé. C'est un livre subtil. 12
LE SURVEILLANT
45 Vous avez déjà fait des études puniques ? 12
LE POÈTE
Oui — je n'en ai pas l'air ? — même de très techniques. 12
LE SURVEILLANT
Oh ! je n'en doute pas !
LE POÈTE
Vous pourriez en douter,
Me voyant jeune et même en très bonne santé… 12
LE SURVEILLANT
Vous venez ?
LE POÈTE
De Paris.
LE SURVEILLANT, rêvant.
Paris…
LE POÈTE
Autre Carthage,
LE SURVEILLANT
Différente, pourtant !
LE POÈTE
50 Oh ! différence d'âge !
LE SURVEILLANT
Archéologue ?
LE POÈTE
Non, poète.
LE SURVEILLANT, avec un recul.
Et ce savoir,
D'où vient-il ?
LE POÈTE
Du désir de toucher et de voir.
LE SURVEILLANT
Et vous n'aspirez pas à quelque académie ? 12
LE POÈTE
Toute contrainte m'est, de naissance, ennemie : 12
55 Le maître le plus dur, c'est une ambition. 12
(souriant)
Mais je puis cependant lire une inscription. 12
LE CHŒUR DES OUVRIERS
(du bord de la tombe où ils étaient descendus)
Un coup de main ! à l'aide ! à l'aide ! 8
Il fait noir comme dans un four. 8
Le dernier pan de terre cède : 8
60 Mettons le sarcophage à jour ! 8
(On s'empresse, on tire sur les cordes.)
LE SURVEILLANT
Tout doux ! pas de choc ! pas d'entaille ! 8
Qu'on le soulève avec amour, 8
Car il faut que cette trouvaille 8
Nous donne la gloire en un jour. 8
(Le sarcophage est lentement monté et posé sur le bord de la fouille, face au public et un peu obliquement.)
LE POÈTE
65 Voici donc la pierre funèbre 8
Que tant de siècles tour à tour 8
Alourdirent dans la ténèbre : 8
Salut, passé ! voici le jour ! 8
(On débarrasse le sarcophage de ses cordes.)
LE SURVEILLANT, ironique.
Vous savez déchiffrer ?…
Quel nom ? et quelle époque ?
LE POÈTE, avec hauteur.
70 Quoi ? vous doutez ? vous croyez donc que je me moque ? 12
(Il se penche sur le sarcophage et commence à épeler l'épitaphe.)
LE SURVEILLANT
Mais il déchiffre, il lit ! L'aurais-je jugé mal ? 12
LE POÈTE
C'est le nom d'une femme : Ar… Arisatbaâl. 12
Une prêtresse… Oui, oui… L'inscription, très claire, 12
Est de quatre cents ans, je pense, avant notre ère, 12
LE SURVEILLANT, nerveux, aux ouvriers.
75 Allons ! retirez-moi ces cordes, vivement ! 12
LE POÈTE, à part
Belle Arisatbaâl, que dut être charmant 12
Ton visage, ô prêtresse aux mains sacerdotales ! 12
Je voudrais sur ta mort effeuiller des pétales 12
Et qu'un respect funèbre inclinât tous ces fronts, 12
LE SURVEILLANT
Ne nous attardons pas, ouvrons !
LE CHŒUR
Ouvrons !
LE POÈTE
80 Ouvrons !
LE CHŒUR, devant le sarcophage ouvert.
Quelle richesse ! on voit briller de l'or dans l'ombre 12
LE SURVEILLANT
Quelle gloire ! il y a des attributs sans nombre ! 12
LE POÈTE
Quelle beauté ! je vois la morte pâle et sombre ! 12
LE SURVEILLANT, haussant les épaules.
Que dit-il ? Ce n'est rien qu'un squelette durci. 12
LE POÈTE
85 Un squelette ?… Regardez mieux ce masque-ci ! 12
Moi, je ne vis jamais si fraîche et si parée, 12
Dans son berceau de pierre, une morte dorée. 12
LE CHŒUR, regardant.
C'est vrai !
LE SURVEILLANT
C'est vrai !
LE POÈTE
Voyez ! on dirait qu'elle dort.
(Tous regardent, penchés les uns sur les autres.)
LE SURVEILLANT
Quel triomphe ! cette momie est un trésor ! 12
(Pendant qu'ils regardent tous, la momie, très faiblement, commence à s'agiter, puis ouvre les yeux.)
LE CHŒUR, reculant terrifié.
90 Elle est vivante ! elle remue ! elle regarde ! 12
LE SURVEILLANT, fuyant.
Au secours ! tuons-là !
LE CHŒUR, armé de pioches, pelles, etc.
Tuons-là !
LE POÈTE, dressé devant eux.
Prenez garde !…
(Ils reculent devant lui, lâchant leurs armes improvisées.)
Quoi ! sur elle lever de sacrilèges mains ! 12
Allez plutôt chercher des colliers de jasmins 12
Pour que dans les parfums la morte se réveille ! 12
LE CHŒUR (mouvement de fuite)
Nous avons peur !
LE POÈTE
95 Vous avez peur d'une merveille ?
Fuyez donc !… Moi, je veux, à genoux, écouter 12
La morte qui renaît de son éternité, 12
La poésie aidant, j'entendrai son langage. 12
(La momie se redresse lentement, passe ses mains sur ses yeux, et, assise, regarde tout autour d'elle, arrêtant ses prunelles immenses tour à tour sur la mer, sur la montagne aux deux cornes, sur le ciel.)
LA PRÊTRESSE
La mer… le mont… le ciel… Mais où donc est Carthage ? 12
LE CHŒUR, sourdement.
100 Elle parle ! elle dit d'étranges mots tout bas, 12
D'un langage oublié que l'on ne comprend pas. 12
LE POÈTE, se tournant vers eux.
Moi, je comprends.
LE SURVEILLANT
Ce sont des paroles puniques.
LE POÈTE, avec colère.
Silence ! taisez-vous, hommes prompts aux paniquepaniques ! 12
Laissez parler en paix sa résurrection ! 12
LE SURVEILLANT, plus bas.
105 Il va la déchiffrer comme une inscription ! 12
(Tous sont groupés de loin, à demi cachés par les travaux, prêts à fuir, curieux quand même de ce qui va se passer. La momie a achevé de se redresser. Elle s'assied sur le bord de son sarcophage, secoue ses bracelets, ajuste ses étoffes, regarde autour d'elle, largement, et finit par voir le poète à genoux près d'elle. Elle le considère un moment avec surprise.)
SCENE II
LES MÊMES, LA PRÊTRESSE
LA PRÊTRESSE
Étranger, pourrais-tu me répondre ? Une brume 12
Est sur mon âme…» Et puis, j'ignore ton costume 12
Et ne saurais vraiment définir d'où tu viens. 12
N'importe ! tes yeux sont bienveillants sur les miens 12
110 Et tu sembles rempli de respect dans ta pose… 12
Je n'ai pas peur de toi, quelle qu'en soit la cause. 12
Mais toi, sais-tu mon nom ?
LE POÈTE
certescerte : Arisatbaâl.
LA PRÊTRESSE
Il sait mon nom ; pourtant, il le prononce mal. 12
Qui donc es-tu ?
LE POÈTE
Je suis le présent, ô passée !
LA PRÊTRESSE
115 Que dit-il ? Sa parole est tout embarrassée. 12
Quel est donc ton pays ?
LE POÈTE, après avoir hésité.
Un pays inconnu.
LA PRÊTRESSE
Que contemplent tes yeux sur mon petit pied nu ? 12
Mais laissons. J'ai longtemps dormi, je me réveille… 12
(elle s'étire)
Ah ! la vie en mon cœur revient comme une abeille. 12
120 Pourtant, oui… ce sommeil m'a laissé du brouillard 12
Dans l'âme. Explique-moi ce que voit mon regard. 12
LE POÈTE
Que veux-tu donc savoir ?
LA PRÊTRESSE
Je vois mon paysage,
Mes collines, la mer, le ciel… et pas Carthage. 12
(Elle désigne à mesure)
Je ne me trompe point ? C'est le mont de Moloch : 12
125 Il laboure toujours le ciel d'un double soc 12
Et monte toujours bleu de la mer violette. 12
Mais je n'aperçois pas la grande silhouette 12
Sur la corne de droite et près du temple, en haut, 12
Du dieu dévorateur à tête de taureau. 12
130 Je vois Byrsa, je vois Echmoûn, mais ravagées. 12
Où sont donc nos palais qui montaient par rangées 12
Et nos noires maisons aux boules de cristal ? 12
Je vois en bas les ports, et l'île, et le canal ; 12
La Tœnia s'allonge entre eux comme naguère, 12
135 Mais l'herbe y croît. Où sont le commerce et la guerre, 12
Les halles débordant de rostres de vaisseaux, 12
Notre marine immense et riant des assauts ? 12
(Elle se lève, se hausse, se tourne avec égarement.)
Où sont nos éléphants, nos chevaux, nos fourrages, 12
Nos poudres d'or ? Où sont nos tours à quatre étages ? 12
140 La côte est-elle encore abrupte vers Tunis ? 12
Et les jardins de Mégara, tout blancs d'iris, 12
Sont-ils toujours pour les puissants l'ombre et l'asile ? 12
Patrie, oui, c'est bien toi L. Mais où donc est ma ville ? 12
LE POÈTE
Elle n'est plus.
LA PRÊTRESSE
Ah ! ah ! hélas ! sur elle, hélas !
145 Je jetterai le cri des femmes de Hellas 12
Sur ma ville ! Et pourtant, non ! Étranger, écoute : 12
Mes yeux mentent ! tu mens !… oui, je ne suis, sans doute, 12
Que le pauvre jouet d'un songe ténébreux, 12
Carthage est toujours là, j'en atteste les dieux ! 12
LE POÈTE
Elle n'est plus.
LA PRÊTRESSE
150 Tu mens. Qui donc l'aurait vaincue ?
LE POÈTE
Elle n'est plus.
LA PRÊTRESSE
Elle est, malgré ta voix qui hue !
Nous connais-tu ? Sais-tu ce que nos bras géants 12
Peuvent tenir de ciels, d'îles et d'océans ? 12
La domination de Carthage recule 12
155 es autels de Philène aux colonnes d'Hercule ; 12
Les continents captés se meuvent dans ses rets ; 12
Son commerce s'étend jusqu'à des bords secrets, 12
Et nul n'en peut fixer les bornes infinies. 12
Qui comptera jamais l'or de nos colonies ? 12
160 Nos marchés sont gorgés du fruit de tous pays ; 12
Nous savons soutirer des trésors inouïs 12
De la terre enflammée et de la terre arctique ; 12
Des Sorlingues l'étain, l'ambre de la Baltique, 12
Et du creux de l'Afrique où l'air est étouffant, 12
165 Notre poudre dorée et nos dents d'éléphant. 12
Ainsi, parmi le bruit de pas des caravanes, 12
Un sourire fleurit aux dents des courtisanes 12
Et des puissants, devant l'incalculable don 12
Que nous fit à jamais notre mère Didon… 12
170 Vaincre Carthage ! non ! soit force ou ruse oblique, 12
Qui peut se mesurer avec la République ? 12
Même les plus armés ne lui résistent pas. 12
Les villes de l'Afrique ont mis leurs murs à bas 12
Pour qu'entre les cités, seule, elle ait des murailles. 12
175 Tout tremble devant elle. Elle n'a pas d'entrailles. 12
Elle est forte, elle est riche… Aux faibles de pâtir ! 12
Nous ne sommes plus ceux de Sidon et de Tyr, 12
Nous ne nous brisons pas d'un choc comme nos verres ; 12
Non ! couvrant tout des plis de leurs pourpres sévères, 12
180 Nos suffètes hautains et nos durs sénateurs 12
Règnent de par notre or et les dieux protecteurs. ! 12
Et toi, tu viens me répéter dans ton audace 12
Que ma ville n'est plus, qu'elle a passé !
LE POÈTE
Tout passe.
Vois ! n'est-ce pas la mort partout, rien que la mort ? 12
LA PRÊTRESSE
185 Erreur ! c'est le sommeil qui me possède encor. 12
Ses richesses sont là, marines et civiles. 12
LE POÈTE
Elle n'est plus. Périr est le destin des villes. 12
LA PRÊTRESSE
Mes yeux ! mes yeux ! mes yeux !… éclairez-moi, mes yeux ! 12
LE POÈTE
Ils ne te trompent point, tes yeux. Regarde mieux. 12
190 Quitte un instant l'espace où plongent tes prunelles, 12
Et vois où tu dormais dans ta tunique d'ailes, 12
LA PRÊTRESSE
(regardant, ramassant et rejetant les objets)
Ah ! je suis au milieu des attributs des morts : 12
Un sarcophage ouvert, tous les menus trésors 12
Des défunts… Un miroir — où s'éteint mon image ; 12
195 La corbeille des fruits, du miel et du fromage, 12
Mais vidée… ou plutôt, tout s'y est desséché. 12
Des joyaux !… une bague où le signe caché 12
De Tanit se combine avec le caducée ; 12
Une amphore pour les parfums — elle est cassée ! 12
200 Une lampe bicorne, un masque en pâte, un clou, 12
De la monnaie, une urne à queue… et ce caillou… 12
Et ce collier… et tout le mobilier funèbre 12
Que la fêlure gagne et que la rouille zèbre… 12
Tout cela bien longtemps resta dans l'oubli froid ; 12
Mais la morte ? qui donc fut la morte ?
LE POÈTE
205 C'est toi !
LA PRÊTRESSE, avec un cri d'horreur.
O déesse !…
LE POÈTE
Rappelle-toi…
LA PRÊTRESSE, les yeux fous.
Oui… sur ma couche…
Mon époux en pleurant me baisait sur la bouche… 12
Je mourais…
(avec éclat)
Je suis morte ! et Carthage avec moi !
(Elle retombe assise sur le bord du sarcophage et se voile largement la face, puis reste ainsi ensevelie, immobile.)
LE POÈTE
Non. Ne tiens pas pour vrai ce que ta douleur croit. 12
210 Ta ville après ta fin vécut longtemps encore, 12
Riche et dure toujours, jusqu'à ce qu'une aurore 12
Rouge, en flamme, du fond de Rome se levant, 12
Carthage, la cité de la mer et du vent, 12
Disparut en un jour de sa base à son faîte. 12
215 N'as-tu pas entendu qu'on marchait sur ta tête ? 12
LA PRÊTRESSE, écartant lentement ses voiles
et se redressant à demi.
Me faudra-t-il sortir de ces afflictions 12
Pour parler ? Qui marchait ?
LE POÈTE
Le pas des légions.
LA PRÊTRESSE
Je n'ai pas entendu. Profonde était ma tombe. 12
LE POÈTE
C'est pourtant un grand bruit, quand une ville tombe, 12
LA PRÊTRESSE, regardant les ruines autour d'elle.
220 Elle est tombée ! hélas !… Comment ? Puis-je savoir ? 12
LE POÈTE
Nul reflet n'a passé parmi ton sommeil noir ? 12
LA PRÊTRESSE
Sombre est la mort. Rien n'a relui dans ma cellule, 12
LE POÈTE
C'est pourtant un grand feu quand une ville brûle. 12
LA PRÊTRESSE
Elle a brûlé !… Pourtant que nous étions puissants ! 12
225 Elle a brûlé !… Nos mains lui brûlaient des encens… 12
Elle a brûlé ! brûlé !… N'était-il aucun homme 12
Pour sauver ma cité ?
LE POÈTE
Rien ne résiste à Rome.
Des siècles ont passé sur terre ; tout est mort, 12
Villes, peuples et dieux. Mais Rome vit encor. 12
230 Seule elle a mérité ce nom : Ville Éternelle. 12
LA PRÊTRESSE
Je connais aujourd'hui ce qu'il adviendra d'elle ! 12
Le destin des cités est la destruction, 12
Mais n'est-il pas, dis-moi, de consolation 12
Pour la honte et pour la douleur sous qui je ploie ? 12
235 Si Carthage n'est plus, n'aurai-je pas la joie 12
D'un seul nom de héros qui soulage mon mal ? 12
LE POÈTE
Écoute bien ce nom immortel : Annibal ! 12
LA PRÊTRESSE
Annibal !
LE POÈTE
Tous l'ont pris à jamais pour modèle.
Sur l'histoire, son ombre est comme un grand coup d'aile. 12
LA PRÊTRESSE
Et qui donc m'a vaincu mon héros ?
LE POÈTE
240 Scipion.
LA PRÊTRESSE
Scipion !
LE POÈTE
Il fut grand.
LA PRÊTRESSE
Je sens un scorpion
Qui me mord ! Mais, dis-moi, par quelles sombres ligues 12
Ma ville trépassa ? Qui la perdit ?
LE POÈTE
Ses figues.
Leur poids humilia la toge de Caton. 12
LA PRÊTRESSE
Caton ?.,, qu'est-ce ?
LE POÈTE
245 Celui qui forgea le dicton
Que l'on va répétant à jamais d'âge en âge : 12
«Et je pense qu'il faut qu'on détruise Carthage.» 12
LA PRÊTRESSE
D'âge en âge… ainsi donc, de gorges en sommets, 12
Notre honte est redite aux peuples à jamais ? 12
LE POÈTE
250 Non, La honte, c'était votre orgueil sans entrailles, 12
Vos esprits resserrés sur l'or comme des mailles. 12
Mais la gloire pour vous fut dans les jours ardus, 12
Car vos peuples sans cœur se sont bien défendus. 12
LA PRÊTRESSE
Raconte-moi !
LE POÈTE
Parmi le massacre et les flammes,
255 De terrasse en terrasse ils ont lutté. Les femmes 12
Pour cordage ont donné leurs immenses toisons 12
Aux vaisseaux qu'on tailla dans le bois des maisons 12
LA PRÊTRESSE
C'étaient mes sœurs… Que n'ai-je, ivre de sombre gloire, 12
A ma ville donné ma chevelure noire ! 12
260 Ah ! je l'aurais sauvée ! oui ! de par mon amour, 12
Elle serait encore orgueilleuse en ce jour ! 12
LE POÈTE
Non. Rome l'a vouée à cette solitude. 12
Carthage a refleuri, riche, arrogante et rude, 12
Mais romaine, avec d'autres dieux et d'autres lois. 12
265 Puis la mort est venue une seconde fois 12
Ruiner à jamais sa seconde opulence. 12
Ayant connu les grands martyrs, ceux dont s'élance 12
L'âme vers l'infini sous la dent des lions, 12
Elle vit l'envahir de nombreux tourbillons. 12
270 Un peuple alors passa, ne laissant que les dalles 12
De ses temples nouveaux.
LA PRÊTRESSE
Quel peuple ?
LE POÈTE
Les Vandales.
Il en demeure encor quelques-uns aujourd'hui. 12
LA PRÊTRESSE
Ensuite ?
LE POÈTE
Elle devint, pauvreté qui reluit,
La châsse de Byzance hypocrite et dorée ; 12
275 Chrétienne devant cette mer sans marée, 12
Elle élevait ici sa troisième cité, 12
Jusqu'au jour où, comme un torrent précipité, 12
Contre ses dômes d'or et jardins balsamiques, 12
Déferla le galop des hordes islamiques. 12
280 Elle tomba. Depuis, ses murs brisés et nus 12
Servirent de carrière à tous ceux qui, venus 12
Des quatre points du monde, emportèrent son marbre 12
Ainsi que des cueilleurs prennent les fruits d'un arbre. 12
C'est de cette façon que Carthage a fini. 12
Rien n'en sort désormais que de l'orge.
LA PRÊTRESSE
285 Et Tanit ?
LE POÈTE
Les dieux sont morts. Tanit n'est qu'une statuette. 12
LA PRÊTRESSE
Alors pourquoi, du fond de la couche muette 12
Où je dormais dans le trépas sans rien savoir, 12
M'avez-vous fait lever pour entendre et pour voir ? 12
290 J'étais là, reposant dans ma tunique ailée, 12
Je… Mais que vois-je encor ? Ma tombe violée 12
N'est pas seule ! partout des travaux et des trous. 12
Réponds-moi ! quels voleurs de tombes êtes-vous ? 12
Contre de pauvres morts que plus rien ne protège, 12
295 Vous avez donc commis l'horrible sacrilège ? 12
Moi, j'avais dépensé, d'argent, tout un trésor. 12
Pour me faire enfouir jusqu'au fond de la mort, 12
Et, mon éternité, vous l'avez dérangée ! 12
Qui donc avait payé le coûteux hypogée ? 12
300 Soyez maudits, ô vous, sinistres fossoyeurs ! 12
LE POÈTE
Écoute ! écoute , avant d'exhaler tes fureurs ! 12
Donc, ta ville, Carthage, avant d'être insultée 12
Par le feu des Romains…
LA PRÊTRESSE
Ils m'avaient respectée !
LE POÈTE
Écoute ! Elle a passé… Que t'importe après tout 12
305 De connaître comment elle n'est plus debout ? 12
Mais pour nous qui voulons conserver sa mémoire 12
C'est du fond des tombeaux que se dresse l'Histoire. 12
LA PRÊTRESSE
Je n'écoute plus rien. Cesse donc ton discours. 12
Doux était le néant, mais tristes sont les jours : 12
310 En si peu de moments que de douleur m'abreuve ! 12
Je revis ! Mais je suis plus orpheline et veuve 12
Que les plus malheureux, que les plus mécontents : 12
Veuve de ma cité, des miens et de mon temps, 12
Seule !… Me rendrez-vous mes compagnons de vie ? 12
315 De cette éternité que vous m'avez ravie, 12
Ferez-vous resurgir mon époque, ma loi, 12
Les costumes, nos dieux ?…
(Elle se dresse, les bras étendus, dans une évocation passionnée, criant vers les quatre points cardinaux.)
Morts de Carthage, à moi !
Levez-vous, frères miens, des tombes violées. 12
Redressez-vous, esprits, de vos cendres mêlées, 12
320 Et voyez ce que fit le destin très amer 12
De la ville d'orgueil qui régnait sur la mer ! 12
LE POÈTE
Ah ! qu'est-ce donc qui sort partout du fond des tombes 12
Et se répand sans bruit comme un vol de colombes ? 12
(Deux chœurs de spectres puniques s'avancent lentement, l'un par la droite, Vautre par la gauche. Avant de s'être rejoints, ils s'arrêtent un moment, comme s'ils regardaient le paysage autour d'eux.)
LE PREMIER CHŒUR
Où sont tes peuples forts dont tremblait l'univers, 12
325 Carthage, Carthage, Carthage ? 8
Sont-ce ces épis déjà verts 8
Que le vent remue au passage ? 8
LE DEUXIÈME CHŒUR
Nous ne voyons plus ton visage, 8
Carthage, Carthage, Carthage ! 8
330 Rien que des épis déjà verts ! 8
Qu'as-tu fait de l'orgueil, qu'as-tu fait de la rage ? 12
Sont-ce ces épis déjà verts, 8
Carthage, Carthage, Carthage ? 8
(Ils étendent les bras vers les horizons, en se tournant tour à tour vers les quatre points. Et ce mouvement circulaire leur fait apercevoir la prêtresse, debout, dans l'attitude sacerdotale. Les deux chœurs alors la saluent largement.)
LE PREMIER CHŒUR
Salut à ton visage nu, 8
335 O prêtresse, fille de prêtres ! 8
Que fais-tu dans ce lieu sans êtres ? 8
Où sont donc les encens ? où donc l'autel cornu ? 12
LA PRÊTRESSE, d'une voix blanche.
O spectres ! je suis morte, apportez les offrandes ! 12
Chargez vos bras pieux, pour la libation, 12
340 D'amphores petites et grandes, 8
De pains de proposition ! 8
LE DEUXIÈME CHŒUR
Comment lèverais-tu tes deux paumes vers l'astre ? 12
Comment répandrais-tu le sang et les parfums ? 12
Vois ! ton âme et ton corps défunts 8
345 N'officient que parmi les restes d'un désastre ! 12
LA PRÊTRESSE, plus haut.
O spectres ! apportez deux lampes à trois becs, 12
Avec le lait, le vin, les huiles… 8
Descends, divinité, selon les rites grecs ! 12
Meurs-tu, Baâl, Echmoûn, Tanit, comme les villes ? 12
(Elle a élevé les bras en une évocation désespérée. Les deux chœurs, doucement, par un mouvement de strophe et d'antistrophe, se sont rejoints. Ils ne forment plus qu'un seul chœur qui secoue tristement la tête.)
LE SEUL CHŒUR, s'éloignant déjà.
350 Les vases de la mort sont à jamais secs ; 11
La mort n'a pas de vin, pas de lait et pas d'huiles. 12
LA PRÊTRESSE, criant.
Carthaginois !
LE CHŒUR
Pourquoi nous appeler encor ?
LA PRÊTRESSE
Je vous appelle, hélas ! parce que tout est mort ! 12
LE CHŒUR
Silence !… car la mort a sa place sous terre. 12
LA PRÊTRESSE
Et les dieux ? et les dieux ?
LE CHŒUR
(qui achève de s'éloigner en un long défilé,le doigt sur la bouche.)
355 Ils sont dans le mystère…
LA PRÊTRESSE, se jetant à genoux.
Carthaginois !
LE CHŒUR, parti.
Silence…
LA PRÊTRESSE, se relevant.
Ils m'abandonnent tous !
Je les ai suppliés, moi, prêtresse, à genoux… 12
Dans la nuit des tombeaux n'est-il donc plus d'aurore 12
Que pour moi qui voudrais, hélas, mourir encore ? 12
(Elle s'avance, droite, face à l'étendue, regardant ses vêtements, ses colliers, respirant ses cheveux… )
360 Seule !… Ah ! cette odeur de cercueil ! 8
Ainsi, j'ai refranchi le seuil, 8
Moi qui dormais parmi mes quatorze amulettes ! 12
Hélas ! qu'ai-je vu, qu'ai-je appris ? 8
Plus rien ne reste, que de gris, 8
365 De pourpres d'autrefois, rouges et violettes. 12
Seule !… et tout l'espace est vidé, 8
L'espace jadis possédé 8
Par la ville où régnait mon hautain sacerdoce. 12
Pourtant Carthage existe encor ; 8
370 Comme un arbre immense qui dort 8
Dans la graine enfoncée au plus creux de la cosse, 12
Carthage est ici, sous mon front. 8
Ses splendeurs toujours brilleront 8
Quand il n'en resterait pour témoignage qu'une. 12
375 Malgré la tombe et son sommeil 8
Dans ce disque Baâl-Soleil 8
Demeure, et, dans ce fin croissant, Tanit-la-Lune. 12
Mais si je bois ainsi mes pleurs 8
C'est que de souterrains voleurs 8
380 Viennent nous dérober ce suprême vestige. 12
Ils fouillent jusqu'à nos tombeaux, 8
Détruisant les derniers lambeaux 8
Où subsistait, à tous caché, notre prestige. 12
Grains de collier qu'on nous reprend, 8
385 C'est par vous, trésor frêle et grand, 8
Que ce pays vivait encor de notre idée. 12
Oui, jusqu'ici, mer, ciel, sommets, 8
O belle patrie ! à jamais, 8
Du haut en bas, c'est nous qui t'avions possédée, 12
390 De par notre immortel orgueil, 8
Plus fort que la ruine et le deuil, 8
Malgré le temps, la mort et l'odeur du cercueil ! 12
(Elle se penche tout à coup et regarde)
Mais que vois-je venir ? Voici l'orge qui bouge, 12
Un spectre encor s'avance en robe bleue et rouge, 12
Puis d'autres…
(Quelques Bédouines commencent à paraître.)
LE CHŒUR DES OUVRIERS
(regardant le poète immobilisé dans une attitude d'horreur sacrée.)
395 Qu'a-t-il vu que nous ne voyons pas ?
LE SURVEILLANT
Il tremble, il joint les mains, il murmure tout bas, 12
Et c'est tout juste encor si sa force le porte. 12
Est-il devenu fou des mots de cette morte ? 12
Mais que veulent ici ces moukères pieds nus ? 12
LA PRÊTRESSE, qui, attentive, a regardé les Bédouines.
400 Ah ! qui sont celles-là dont les yeux ingénus 12
Entre leurs cils courbés regardent comme en rêve ? 12
La grâce de leurs reins se répète et s'achève 12
Dans l'amphore que tient leur bras… Je ne sais point. 12
Et cependant j'ai vu, quand je vivais, au loin, 12
405 Leurs costumes passer à l'entour de Carthage. 12
Vous dont je reconnais peut-être le visage, 12
Passantes, êtes-vous des mortes comme moi ? 12
… Elles n'ont pas compris. Leur regard reste froid. 12
LE POÈTE
Ce sont des mortes, oui, qui longtemps demeurées 12
410 Dans le songe engourdi des aïeules dorées, 12
Vont se lever demain pour l'immense réveil 12
De l'Islam paresseux qui dormait au soleil, 12
Car elles ont senti, malgré leur âme lasse, 12
Un souffle d'Occident qui redressait leur race. 12
LA PRÊTRESSE
415 Venez donc, ô mes sœurs en résurrection ! 12
(Elle leur fait signe. Les Bédouines obéissent sans comprendre et se rangent autour du sarcophage.)
LE SURVEILLANT
Il faudrait punir cette intrusion. 10
Chassons-les !
(Il s'avance, suivi du chœur, sur les Bédouines, qui reculent et s'en vont effrayées.)
LA PRÊTRESSE
Et ceux-ci, dont la bande effarée
S'avance, qui sont-ils ?
LE POÈTE
Ceux qui t'ont déterrée !
LA PRÊTRESSE, hérissée, sacrée, terrible, et ramassant
une grosse pierre.
O fureur !… Voyez-moi ! je suis Baâl, Tanit, 12
420 Tous les dieux ! A moi, pierre, à moi, bloc de granit ! 12
Écrase-les ! Fais-toi pesant comme une meule !… 12
Carthage est morte ? soit ! La vengeance à moi seule ! 12
(Elle se précipite sur le chœur et lance au hasard sa pierre, au milieu de l'épouvante et de la dispersion générale ; seul, le poète reste en scène avec elle.)
LE CHŒUR, en disparaissant.
Au secours !… Sauvons-nous !
LE POÈTE, allant à la prêtresse frémissante, et lui prenant
doucement la main.
Nous sommes innocents.
La science en nos cœurs brûle comme un encens. 12
425 Et si tu te sens, toi, ce soir, dépossédée, 12
Sache que c'est par nous, l'Histoire à l'œil ouvert, 12
Que du vieux Marius au moderne Flaubert, 12
Sont venus et viendront, apportés par chaque âge, 12
L'honneur et le respect sur le nom de Carthage, 12
LA PRÊTRESSE
430 Mais ces tombeaux, c'était la dernière cité, 12
Et vous la détruisez !
LE POÈTE
Pour la postérité !
LA PRÊTRESSE, sanglotant.
Et que m'importe, hélas ! si mes mains orphelines 12
Se tendent tristement vers les ruines de ruines 12
Qui furent nos palais, nos temples, nos maisons ? 12
435 Ah ! je me tourne en vain vers les quatre horizons : 12
Jusqu'au bout du sommet, jusqu'au fond de la gorge, 12
Je n'aperçois plus rien que cailloux ou champs d'orge… 12
Réponds ! réponds !… Parmi cette destruction, 12
Que reste-t-il de nous ?
LE POÈTE
Plus qu'une ville : un nom.
(La prêtresse sanglote. Le poète, la tenant toujours par la main, la conduit doucement vers le sarcophage, sur le bord duquel elle se laisse tomber assise. Puis il se met à genoux dans la pose de la première scène, et, très respectueusement, dit :)
440 Ne pleure pas ainsi. Voici la nuit qui tombe. 12
Vois ! la mer est là-bas creuse comme une tombe, 12
Mais elle est le berceau du soir et du matin. 12
La lune va sortir d'elle, soleil éteint. 12
Tanit morte a gardé son visage nocturne 12
445 Et penchera vers toi sa face taciturne… 12
LA PRÊTRESSE, faiblement.
Tanit !
LE POÈTE
L'azur du soir où plus rien ne reluit
Couve pourtant la nuit imminente, la nuit 12
Qui déploiera, parmi sa semence d'étoiles, 12
Le zaïmpf de Tanit, le voile entre les voiles 12
LA PRÊTRESSE, plus faiblement.
Le zaïmph !
LE POÈTE
(Il la recouche avec précaution dans le sarcophage, tout en parlant, jusqu'à ce qu'elle soit dans sa première pose funéraire.)
450 Couche-toi. Vois ! Le soleil se couche ;
Que le silence soit à jamais sur ta bouche, 12
Puisque sont à jamais les siècles révolus, 12
O prêtresse, ô beauté d'un monde qui n'est plus ! 12
Ce soleil renaîtra du fond des eaux tranquilles. 12
455 De même, malgré tout, refleurissent les villes. 12
Paris, mon orgueilleuse et vivante cité, 12
C'est Carthage toujours, mais en activité. 12
Moi, je suis le Présent, toi le Passé. Repose, 12
Et que ton âme soit, comme ta bouche, close 12
460 Par l'éternel sommeil ignorant et doré. 12
Rendors-toi ! rendors-toi !… Moi, je te bercerai. 12
(A voix basse)
Rendors-toi, Carthage, 5
Au berceau de ton sarcophage ; 8
Rendors-toi, Carthage, 5
465 Les mains sur ta gorge, 5
Dans l'odeur du soir et de l'orge, 8
Les mains sur ta gorge. 5
Dors, lampe brisée, 5
Tu ne revivras qu'au musée, 8
470 Dors, lampe brisée ! 5
Dors, qu'il pleuve ou vente, 5
O morte sous l'orge vivante, 8
Dors, qu'il pleuve ou vente ! 5
Dans ta nuit sans bornes, 5
475 Devant ta montagne aux deux cornes, 8
Dans ta nuit sans bornes, 5
Repose, Carthage, 5
Au berceau de ton sarcophage, 8
Repose, Carthage… 5
(Il a refermé le sarcophage et, sur les derniers mots,
s'en va sur la pointe du pied.)
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