Métrique en Ligne
DLR_13/DLR1046
Lucie DELARUE-MARDRUS
CHOIX DE POÈMES
1951
CHAPITRE PREMIER
L'Estuaire
SOUFFLES DE TEMPÊTE, Fasquelle, 1918
Oraison
PAR VENTS ET MARÉES, Fasquelle, 1910
Aux Péqueux de Honfleur, mes pays.
Notre-Dame de Grâce, ô vétuste patronne 12
Des pêcheurs et des matelots, 8
Dame de bois et d'or à la belle couronne 12
Qui loges au-dessus des flots, 8
5 Veuille à jamais bénir, tout au bas de la côte, 12
Honfleur, ma ville aux deux clochers, 8
Qui descend jusqu'au bord de la mer basse ou haute 12
Parmi de grands filets séchés. 8
Voici le petit port et ses bassins verdâtres, 12
10 Sa lieutenance d'autrefois, 8
Ses maisons à pignons dont s'effritent les plâtres 12
Entre leurs poutrelles de bois. 8
Voici les bateaux bruns, usés un peu, qu'allège 12
Leur voile, aile de goéland, 8
15 Rivés le long des guais dans l'éternel relent 12
Des goudrons et bois de Norvège. 8
Voici tout grisonnants, coiffés de leurs bonnets 12
De laine tricotée et vieille, 8
Ces pêcheurs que depuis trois cents ans tu connais, 12
20 Portant l'anneau d'or à l'oreille. 8
Voici les matelots, mousses et débardeurs, 12
Tous gens de roulis et de houles, 8
Et, de même, voici les poissardes leurs sœurs, 12
Et celles qui cueillent les moules. 8
25 Tout ce peuple salé lève vers toi les yeux, 12
C'est lui qui te nomma sa reine, 8
Sainte Vierge de mer, madone un peu sirène, 12
Toi son unique merveilleux. 8
Certes, on le sait bien, ces gens-là sont ivrognes, 12
30 D'alcool leur cœur est saturé, 8
Mais ; n'es-tu pas, Marie, au-dessus de leurs trognes, 12
Ce qui reste d'un peu doré ? 8
Dans l'orage hurlant ou sur la mer muette, 12
Gardienne de jour et de nuit, 8
35 Aux côtés de la barque, invisible mouette, 12
N'es-tu pas celle qui les suit ? 8
Et ne savent-ils pas, au milieu des bourrades, 12
Penser à quelque humble ex-voto, 8
Et, quand ils vont sombrer loin des ports et des rades, 12
40 Te promettre un petit bateau ? 8
Vois ! leur reconnaissance encombre ta chapelle, 12
Plaques de marbre, cierges droits, 8
Et ces barques qu'ils font, longues comme deux doigts, 12
Joujoux de bois et de ficelle. 8
45 Tout cela, pour orner tes deux pieds triomphants, 12
T'arrive du fond des naufrages. 8
Toute l'immense mer avec ses grandes rages 12
T'honore en ces cadeaux d'enfants. 8
C'est pourquoi sois-leur douce, ô Dame maritime ! 12
50 Garde-leur l'amour puéril 8
Que tous ils ont pour toi, naïvement intime, 12
Dans la misère et le péril. 8
Patronne des marins, l'existence est si dure… 12
Sois toujours celle d'autrefois, 8
55 Et protège et bénis toujours dans sa verdure 12
Honfleur, la ville de guingois. 8
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