Métrique en Ligne
DLR_10/DLR958
Lucie DELARUE-MARDRUS
MORT ET PRINTEMPS
1932
JACQUELINE
VI
Héroïque, elle aura sans cesse, 8
Peinant sur un trop dur labeur, 8
Laissant de côté sa jeunesse, 8
Usé son esprit et son cœur. 8
5 Jeune fille effrénée et triste 8
Qu'appelait un destin dément, 8
Elle a voulu, sévèrement, 8
Assagir ce cœur fantaisiste. 8
Elle a donné ce qu'elle avait, 8
10 Généreuse jusqu'au martyre. 8
Mais qui sait ce qu'elle rêvait, 8
Ce qu'elle souffrait sans le dire ? 8
Il y avait des pans de nuit 8
Dans son âme mystérieuse. 8
15 Elle se taisait, soucieuse, 8
Avant tout, d'assister autrui. 8
Elle avait les lèvres austères 8
Et le regard d'un matelot, 8
Et, dans ses prunelles trop claires, 8
20 Toutes les énigmes de l'eau. 8
Intense, secrète, attachante, 8
Si fragile, bourrue un peu, 8
Cheveux si noirs, regard si bleu, 8
Son fantôme tout neuf me hante. 8
25 Donnant tout, ne demandant rien, 8
Savant docteur et demoiselle, 8
Partout elle faisait du bien. 8
Tout le monde avait besoin d'elle. 8
Après cette vie au travail, 8
30 Cette surhumaine dépense, 8
Enfin voici sa récompense : 8
La terre, suprême bercail. 8
lasse, elle abandonne la lutte 8
Après trente-cinq ans vécus 8
35 Dont pas une seule minute 8
Ne passa sans instincts vaincus. 8
Inscrivons son nom sur le temple 8
De nos souvenirs les plus beaux ; 8
C'est le dernier de ses cadeaux : 8
40 Elle nous laisse son exemple. 8
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