Métrique en Ligne
DLR_10/DLR892
Lucie DELARUE-MARDRUS
MORT ET PRINTEMPS
1932
DIRES DU MONT SAINT MICHEL
I
Ce roc fut armé chevalier, 8
On croirait, par le Moyen-âge. 8
Forteresse du marécage, 8
Il garde un trésor oublié. 8
5 Son armure luit, écaillée, 8
Dans la lumière d'aujourd'hui ; 8
Nulle vase ne l'a souillée 8
Non plus qu'éteinte aucune nuit. 8
Luttant, éternelle équipée, 8
10 Contre le vent, le ciel et l'eau, 8
Calme, il brandit sa flèche haut, 8
A la manière d'une épée. 8
Il brave l'horizon amer 8
D'où monte une marée étrange. 8
15 Il reste le géant archange, 8
Saint-Michel en Péril de Mer. 8
Le dragon que combat sa lance, 8
Sans cesse et passionnément, 8
C'est le sournois enlisement 8
20 Dans la boue ou dans l'incroyance. 8
Debout, seul sur l'espace plat 8
Plein de remous et de menace, 8
Il semble dire à cet espace : 8
« Ne t'approche pas. Je suis là. » 8
II
25 Au bout de la longue campagne 8
Le Mont catholique apparaît. 8
Mais quel regard d'abord saurait 8
S'il est Normandie ou Bretagne ? 8
Des limites de terre et d'eau 8
30 N'indiquent aucune frontière. 8
Partout c'est la même lumière, 8
La terre basse et le ciel haut. 8
Or, avec ses siècles, l'Histoire 8
Est là pour maintenir les droits ; 8
35 Et le roc, silhouette noire 8
Parmi le bleu des courants froids, 8
Semble, entre cette plaine agreste 8
Et ce large désespéré, 8
Déclarer, immobile geste : 8
40 « Normand je suis, et resterai ! » 8
logo du CRISCO logo de l'université