Métrique en Ligne
DLR_10/DLR878
Lucie DELARUE-MARDRUS
MORT ET PRINTEMPS
1932
THE SKULL
VIII
DISTIQUES
Squelette, notre maître à tous, 8
Maigre captif au fond de nous, 8
Squelette, constante présence 8
Qui t'effaces jusqu'à l'absence, 8
5 Un domino, — la chair, la peau, — 8
Te couvre de son oripeau, 8
Sous quoi, de manières discrètes, 8
Tu ne fais voir que tes arêtes. 8
Cheville ouvrière, pourtant, 8
10 Seul solide, seul important, 8
Pauvre squelette qu'on libère 8
Seulement à six pieds sous terre, 8
Être muet, aveugle et sourd, 8
Toi qui ne vois jamais le jour, 8
15 La chair orgueilleuse et fantasque 8
A beau te couvrir de ce masque, 8
L'apparent rire de tes dents 8
Révèle le reste en dedans. 8
Et cependant la chair t'ignore. 8
20 Elle te hait, elle t'abhorre ! 8
Parent pauvre écarté du jeu, 8
Chaste ascète en un mauvais lieu, 8
Invisible, tu te promènes 8
Parmi les amours et les haines. 8
25 C'est en vain, timide holà, 8
Que tu dis parfois : « Je suis là ! » 8
Au dur fantôme qui la hante, 8
La chair molle, la chair changeante 8
Répond : « je sens battre mon cœur, 8
30 Je vis ! Tais-toi ! Tu me fais peur ! » 8
Mais va ! Ton élégance blanche 8
A son heure aura sa revanche, 8
Car l'usurpatrice, au tombeau, 8
Cèdera lambeau par lambeau. 8
35 Car, lentement, sa pourriture 8
Délivrera ton armature, 8
Et, couché dans le dernier lit 8
Sur l'oreiller du grand oubli, 8
Toi, sous la pierre délaissée 8
40 Dont la date s'est effacée, 8
Tu crieras du fond de la mort : 8
« Petit bonhomme vit encor ! » 8
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