Métrique en Ligne
DLR_1/DLR98
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
VESPÉRALES
LES LITANIES DE LA LUNE
A Ma Sœur Charlotte.
Pleine lune qui fais les beaux minuits d'argent, 12
Glabre qu'aime le soir toute une pauvre gent, 12
O voyageuse taciturne ! 8
Rôdant sur la grisaille immense des cités 12
5 Pour, face à face, y luire aux songeurs attristés 12
Le front à leur vitre nocturne, 8
Lune des parcs, des eaux, des fleurs, des chênes tors, 12
Donne une illusion d'air libre et de dehors 12
A ceux qui pleurent la campagne ; 8
10 Viens, amante pâlotte au regard singulier, 12
Côte à côte et sans bruit partager l'oreiller 12
De ceux qui n'ont pas de compagne ; 8
Coiffe d'une couronne à flamboyants fleurons, 12
Un instant arrêtée en ta fugue, les fronts 12
15 Des stériles chercheurs de gloire ; 8
Sois une allusion aux galettes des rois 12
Et la coupe de vin qui tremble dans les doigts 12
De ceux qui n'ont manger ni boire ; 8
Surgis dans ta pâleur de cap guillotiné 12
20 Grimaçante d'horreur à l'œil halluciné 12
De ceux qui rêvent de revanches ; 8
Vêts du voile de noce issu de ta clarté 12
Celles qui n'auront pas leur part de volupté 12
Et que tente la robe blanche ; 8
25 Jette aux vieilles beautés avides de butin 12
Et si veuves ! l'argent furtif et clandestin 12
De tes taches capricieuses ; 8
Brille pour les petits apeurés dans leurs lits 12
Et dont les rideaux ont des bêtes pleins leurs plis 12
30 ‒ Comme font les bonnes veilleuses ; 8
Puis, offre l'hostie alme et lumineuse à ceux 12
Qui gardèrent l'espoir de paradis fameux 12
Tout au fond de leur âme pie ; 8
Et lorsque, visitant ces veilleurs du désir 12
35 Tu leur auras ainsi versé de ton plaisir 12
A même la ville assoupie, 8
O lune ! garde encore un rayon pour le toit 12
Où les chats miauleurs ouvrant, clairs comme toi, 12
Leurs yeux ronds vers ta plénitude 8
40 Dans l'équilibre sûr de leur pas de velours 12
Te prennent à témoin de leurs folles amours 12
Et sanglotent leur lassitude. 8
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