Métrique en Ligne
DLR_1/DLR88
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
L'ENCENSOIR
HOMMAGE
Magistrale Sarah, tu passes et repasses 12
Sous nos regards ainsi qu'un paon 8
Que suit, en imitant les écrins et les châsses, 12
La traîne énorme qu'il répand. 8
5 Et ta chère personne en notre esprit perplexe 12
Jette trouble et charme à la fois, 8
Car nous y percevons cette essence complexe 12
Que met en musique ta voix, 8
Laquelle fait rêver reliquaire et musée, 12
10 La Madone et Sammouramit, 8
L'idole égyptienne et l'affiche irisée 12
Où tant l'art moderne te mit, 8
Qui mêle la classique à l'actuelle idée, 12
Qui fait en toi s'épanouir 8
15 La symétrique acanthe et la folle orchidée 12
Et le tout pour nous éblouir. 8
Muse, hétaïre, reine, amante, sphinge, guivre 12
Vers qui vont les désirs humains ; 8
Féminine présence en qui viennent revivre 12
20 Tous les cortèges féminins ; 8
Réincarnation des époques finies, 12
Spectre de celles qui seront, 8
Aube et couchant, espoirs et pâles agonies, 12
Clartés et tristesses du front, 8
25 O Sarah ! dont la voix a le timbre des lyres, 12
En toi, prestige de nos yeux, 8
Nous voyons et touchons tout ce qu'en ses délires 12
Notre songe inventa de mieux. 8
Car Sarah c'est vraiment un monde qui palpite, 12
30 Tout un monde de rêve et d'art 8
Dont l'âme, vérité toujours unie au mythe, 12
Vit au gouffre de son regard ; 8
Sarah, c'est celle dont, sans fin, le geste sème 12
De frais calices ignorés 8
35 Et rythme, Son, Couleur, de son style suprême 12
Naissent tels que des lys dorés, 8
De ce style sorti de ses cordes profondes, 12
Qui vit jusqu'au bout de ses doigts, 8
Qui marche dans son pas, flambe à ses boucles blondes 12
40 Et tremble aux notes de sa voix ; 8
De ce style imposant ses rituels étranges 12
Du vêtement jusqu'au décor, 8
Réglant tout, le parfum, les bagues des phalanges, 12
Le fard, l'ampleur des colliers d'or. 8
45 Sarah, c'est celle qui, dans une vie unique, 12
En vécut dix en même temps, 8
Comme si la jeunesse aux plis de sa tunique 12
Ramenait toujours le printemps ; 8
C'est celle qui sut prendre à l'existence humaine 12
50 Ce qu'elle contient d'idéal, 8
Dans le banal jardin où le destin nous mène 12
Cueillir un bouquet triomphal ; 8
C'est celle qui connut le fond de toute gloire 12
De tout amour, pieux ou fou, 8
55 celle qui prit la coupe où tant ne peuvent boire 12
Et qui la vida jusqu'au bout. 8
Sarah c'est toi, Sarah ! puissante génitrice 12
Autour de qui naissent toujours 8
Créés par tes beaux yeux de Muse inspiratrice 12
60 Tous les talents, tous les amours ; 8
C'est toi, Figure, toi Silhouette, ô Camée ! 12
Toi qui donnes et qui reçoit, 8
Toi qui, modèle, artiste, aimant bien, bien aimée, 12
Idole et prêtresse à la fois, 8
65 Sais faire, aux yeux ravis de la foule anonyme, 12
Mimant, vivant, vivant, mimant, 8
Ruisseler ton vrai cœur sur ton masque de mime, 12
Réellement, fictivement. 8
C'est toi qui sens le dieu vivre au fond de ton âme, 12
70 Mais pour achever ta beauté 8
C'est aussi toi qu'auguste et sage et douce, ô femme ! 12
Consacra la maternité. 8
Et toute ainsi de rêve et de réel ; croyante 12
A tout culte donnant ta foi, 8
75 Royale tu t'en vas par cette terre où chante 12
Tout ce qui peut chanter en toi. 8
Et tu demeureras à jamais inouïe 12
Comme joue à joue à côté 8
De ce que cisela la triste humanité 12
80 En masques d'art et de génie. 8
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