Métrique en Ligne
DLR_1/DLR67
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
L'ÂME DES RUES
PLACES
A Mlle Marie Bengesco.
I
J'aime que sur la place où traîne le couchant 12
Monte, parmi le bruit des foules, le doux chant 12
Des eaux claires sonnant au bronze des fontaines 12
Et que, centre au rempart des églises hautaines, 12
5 Dont le fleuve en passant fait ruisseler le seuil, 12
Et des lourds monuments des des arches d'orgueil, 12
L'obélisque fluet s'érige sous l'égide 12
Des huit villes siégeant dans leur robe rigide, 12
Qui, sur le crépuscule où meurent les contours, 12
10 Profilent en vigueur leurs chefs coiffés de tours ; 12
Et qu'auprès, scintillant comme un ballet d'étoiles, 12
Tournoie en titubant, névrosé jusqu'aux moelles, 12
Génial, amer, gai, charmant, terrible, gris, 12
Le grand léviathan écaillé d'or, Paris ! 12
II
15 L'ample courbe des arcs de triomphe anguleux 12
Dont les ornements durs crèvent le ciel houleux, 12
Encadre le couchant qui monte et qui flamboie 12
Au loin comme un énorme et muet feu de joie, 12
Fond pur où les troncs noirs détachent leurs profils 12
20 Avec tous leurs rameaux fluets comme des fils, 12
Atmosphère dorée où s'élancent les flèches 12
Des clochers et que boit la pierre à pleines brèches, 12
Où les carreaux de vitre et la clarté des eaux 12
Redisent la splendeur du ciel, où les oiseaux 12
25 Laissent, portant aux nids leur butin minuscule, 12
Au travers de leur vol passer le crépuscule… 12
O pureté des cieux ! ô silence ! ô douceur ! 12
Immense calme où peut se retremper le cœur, 12
Mourir la chair, l'esprit revenir à la règle 12
30 Et l'âme déployer son envergure d'aigle ! 12
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