Métrique en Ligne
DLR_1/DLR49
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
PAROLES I
LA SPHINGE
Notre pensée intime est un vaste royaume 12
Dont le drame profond se déroule tout bas. 12
Toute chair emprisonne un ignoré fantôme, 12
Toute âme est un secret qui ne se livre pas. 12
5 Et c'est en vain, ô front ! que tu cherches l'épaule, 12
Refuge en qui pleurer, aimer ou confesser ; 12
L'être vers l'être va comme l'aimant au pôle, 12
Mais l'obstacle aussitôt vient entre eux se dresser. 12
Car, au fond de nous tous, ennemie et maîtresse, 12
10 La sphinge s'accroupit sur son dur piédestal 12
Et tout épanchement de cœur, toute caresse 12
Soudain se pétrifie à son aspect fatal. 12
Sa présence toujours aux nôtres se mélange, 12
Sa croupe désunit les corps à corps humains ; 12
15 Au fond de tous les yeux vit son regard étrange, 12
Ses griffes sont parmi les serrements de mains. 12
Et lorsque nous voulons regarder en nous-même 12
Pour nous y consoler et nous y reposer, 12
La sphinge est là, tranquille en sa froideur suprême, 12
20 L'énigme aux dents et prête à nous la proposer. 12
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