Métrique en Ligne
DLR_1/DLR48
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
PAROLES I
L'ÂME
L'âme de ceux qui sont ou seront, l'âme étrange 12
Et hautaine en qui couve un terrible avenir, 12
Naît dans les cœurs amers, sous des fronts qu'elle mange, 12
Et dans des corps déjà las de la contenir. 12
5 Elle est pesante d'utopie et de chimère, 12
Soulevée en l'effort immense de ces temps 12
Vers de la vérité vraie et de la lumière, 12
Et hurle dans le vide en pourquois haletants. 12
L'art y est convulsé dans l'horreur du symbole, 12
10 Tordant le geste fou de ses deux grands bras nus, 12
Pleins de menace et de haineuse parabole, 12
Sur un sinistre fond d'horizons inconnus. 12
La musique y prolonge un sanglot, y détonne 12
Sa dissonnance rauque et son chaos puissant, 12
15 Et la poésie âpre y dresse sa gorgone 12
Furieuse, aux deux yeux qui ruissellent de sang. 12
La volontaire, la cruelle Idée y forge 12
Sa logique féroce et pure, et, de ses mains, 12
Cherche comment serrer le vieux monde à la gorge, 12
20 Vivant qui barre encor la route des demains. 12
L'humanité, le poing au drapeau des révoltes, 12
Ainsi toute levée en l'âme d'à présent, 12
Court, grosse des fureurs de sa raison, les voltes 12
Multiples de son pas tragiquement pesant. 12
25 Mais nous, lourds de cette âme ample qui s'évertue 12
Pour accoucher du songe énorme qui l'emplit, 12
Rêvons, ayant jeté son fardeau qui nous tue, 12
Au dormir éternel de notre dernier lit… 12
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