Métrique en Ligne
DLR_1/DLR47
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
PAROLES I
HYMNE A LA MORT
Toi qui, dans les ébats de la mauvaise joie, 12
Qui, dans la vanité des vanités, descends 12
Rôdes, flairant, guettant en silence ta proie, 12
O toi l'hommage, ô mort ! le salut et l'encens. 12
5 Je veux fêter sans fin ton masque épouvantable 12
Qui sans bouche ricane et sans yeux voit ; tes mains 12
Si maigres, maniant la faulx inévitable 12
Dans l'ébaudissement stupide des humains : 12
Car je t'aime en songeant qu'un jour, bonne passante, 12
10 Tu viens nous délivrer de l'ennemi de chair 12
Qui fait ramper, dans la besogne avilissante 12
D'exister ici-bas, notre esprit pur et clair ; 12
En songeant que tu viens l'assassiner, le prendre 12
au col, ce corps qui tient notre essence en prison, 12
15 Et que ta poigne alors l'oblige de s'étendre 12
Muet enfin, sans phrase et sans bonne raison, 12
Lui par qui fut notre âme, ainsi qu'un aigle en cage, 12
Incapable de vol vers le suprême Beau, 12
La dépouille l'ayant en soi, comme un otage, 12
20 Gardé jalousement jusqu'au jour du tombeau. 12
Viens nous en arracher de cette triste écorce, 12
Viens libérer le dieu que son étau meurtrit, 12
Prononcer à jamais le bienheureux divorce 12
De cet accouplement de matière et d'esprit, 12
25 O toi la fiancée éternelle et sans joues, 12
Toi la promise à tous, l'Amante, qui permets 12
Que nous sortions enfin de nos infâmes boues, 12
Et vers la vie, ô mort ! nous portes à jamais ! 12
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