Métrique en Ligne
DLR_1/DLR33
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
L'ÂME ET LA MER
L'AMIE
Mon âme vit en moi comme un dieu solitaire, 12
Sans espoir désormais et doublement banni 12
Pour avoir vainement crié vers l'Infini 12
Sans que l'aient consolé les bonheurs de la terre. 12
5 Et mon âme parfois plus qu'à d'autres moments 12
Souffre de s'être ainsi close sans rien connaître 12
Des piétés en qui s'abreuve tout notre être 12
Ou du profane amour dont pâment les amants. 12
Je ressuscite alors de très vieilles chimères, 12
10 Rêvant de je ne sais quel être à qui m'unir, 12
De je ne sais quel sein bon et tendre où venir 12
Sangloter je ne sais quelles peines amères. 12
Mais la prière expire à mes lèvres ; mes bras 12
Élevés vers le ciel se tordent dans le vide 12
15 Et l'âme humaine n'offre à mon regard avide 12
Qu'un lieu fermé portant ces mots : « On n'entre pas ! » 12
Ah j'étouffe ! Le poids de cette solitude 12
M'écrase et me meurtrit malgré tous mes efforts, 12
Malgré le rythme en qui je me berce et m'endors, 12
20 Malgré le livre ouvert, malgré l'art et l'étude. 12
Et je t'évoque, toi si lointaine aujourd'hui, 12
Mer natale, ô ma belle et grandiose amie 12
Qui seule fis parfois mon angoisse endormie, 12
Vers qui toujours mon cœur douloureux me conduit. 12
25 Toute seule devant ton flot pendant des heures, 12
Je voudrais promener mon silence anxieux 12
Et, puisqu'il n'est jamais de larmes dans mes yeux, 12
M'écouter longuement pleurer lorsque tu pleures, 12
Ou bien, parmi la nuit, le fracas et le vent, 12
30 A l'heure où ta tempête est à son apogée, 12
Crier en toi, sauvage, affolée, enragée, 12
Les cheveux dénoués et les poings en avant. 12
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