Métrique en Ligne
DLR_1/DLR124
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
VESPÉRALES
SOLEILS DU SOIR
Quand les soirs furieux stagnent leurs mornes flammes 12
A même l'horizon des villes et des champs, 12
Alors sont arrondis sur les soleils couchants 12
Les yeux humains remplis du mystère des âmes. 12
5 Ils pleurent le regard triste des exilés 12
Songeant les nords et les midis de leur enfance 12
Et des soleils pareils versant leur abondance 12
De pourpre à des lointains autrement profilés ; 12
Ils pleurent le regard des amours terminées, 12
10 Le regret des amants autrefois abattus 12
Longtemps contre l'épaule offerte à l'heure où, tus, 12
Leurs couples venaient voir se mourir les journées ; 12
Ils jettent le coup d'œil d'incompréhension 12
Des passantes banalités indifférentes 12
15 Et le coup d'œil aussi des misères errantes 12
Qui n'ont plus de regard pour l'admiration. 12
Ils clignent le plaisir paisiblement artiste 12
Qui s'attarde aux chaos changeant de la couleur 12
Et la mélancolie émue en sa pâleur 12
20 De ceux que la beauté divinement attriste. 12
Ils luisent de l'espoir des grandes tragédies, 12
Les yeux, les deux yeux fous qu'ouvrent les révoltés 12
vers l'allusion rouge aux cieux ensanglantés 12
De leur rêve flambant déjà ses incendies ; 12
25 Et les deux yeux aussi de la dévotion 12
Lèvent sur les couchants leur douceur extatique 12
Et déjà voient brûler l'heure apocalyptique 12
Où s'éploiera l'essor de notre assomption. 12
Du fond des champs, du fond des palais et des bouges, 12
30 Comme ceux des hiers, comme ceux des demains, 12
Ah ! ce qu'ils voient ! tout ce qu'ils voient, ces yeux humains 12
dardés sur la splendeur des larges soleils rouges ! 12
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