Métrique en Ligne
DLR_1/DLR123
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
VESPÉRALES
L'APAISEMENT
Nous laisserons au gris des pages refermées 12
Du Livre où s'obstinaient nos fronts sentencieux 12
Tout le désir et tout l'effort, les soucieux 12
Songes et l'ennui lourd des heures enfumées. 12
5 Lasses de chair en qui se meurent des avrils, 12
Lasses de regards fous de rêve et d'harmonie, 12
Lasses d'âmes où trop de raison cherche et nie, 12
Nous voulons gaspiller des moments puérils. 12
Lentes de par le faix maladif de nos têtes, 12
10 Hanteuses des jardins dans leurs tours et détours, 12
Nous irons, de l'étable aux bonnes basses-cours, 12
Respirer la torpeur bien portante des bêtes. 12
La couleur saine a peint aux pigeons l'éventail 12
De leur queue, a fardé les poules promenées, 12
15 Et nous guérit un peu des nuances mort-nées ; 12
La simplesse regarde aux grands yeux du bétail ; 12
L'herbage réservé pour les vaches laitières 12
A de l'herbe et des fleurs qui vont jusqu'aux genoux ; 12
Toute la vie heureuse au soleil monte à nous 12
20 De la senteur féconde et chaude des litières. 12
Myopes, bougonnant ente eux, viennent nous voir 12
Les porcs bouffis groupés sur le seuil de leur bouge : 12
L'ombre des cages luit tout à coup de l'œil rouge 12
Des placides lapins de neige au museau noir ; 12
25 Le vieux mur berce au vent toutes ses giroflées, 12
Le toit, sous son chapeau de lierre captieux, 12
Nous voit par ses carreaux, dardés comme des yeux, 12
Et rit par ses moineaux aux joyeuses volées, 12
Et, d'avoir tant menti dans un monde qui ment, 12
30 Fera nos cils noyés sous des larmes de joie 12
Quand le chien, dont vers nous la bonne humeur aboie, 12
Accourra nous lécher les mains naïvement. 12
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