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— Chère femme, je viens te dire un gros mystère |
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Ce matin je me suis engagé volontaire. |
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— Tu pars ? Voyons, voyons, je ne comprends pas bien… |
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Tu pars ? |
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Tu pars ? — Oui. |
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Tu pars ? — Oui. — Quand ? |
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Tu pars ? — Oui. — Quand ? — Demain. Je ne t’en disais rien. |
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Parce que je voulais reculer ta souffrance ; |
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Mais… |
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Mais… — Et pourquoi pars-tu ? |
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Mais… — Et pourquoi pars-tu ? — Pour défendre la France, |
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Parbleu ! |
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Parbleu ! — Non, j’entends mal ce que tu dis, je crois |
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Tu pars… comme soldat ? Mais qui t’y force ? |
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Tu pars… comme soldat ? Mais qui t’y force ? — Moi… |
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— Mais moi, mais ton enfant ? nous quitter ? et sans cause ? |
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— Tu te trompes : je pars, et c’est pour quelque chose ! |
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Je pars pour accomplir notre devoir à tous ! |
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Vois-tu, le temps n’est plus de ne songer qu’à nous : |
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Au-dessus de l’amour des enfans et des femmes, |
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Il est un mot sacré qui fait vibrer nos âmes : |
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Un mot que nous avons bafoué trop longtemps, |
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Mais qu’il faut relever, s’il en est encor temps ! |
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— Je ne te comprends pas… |
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— Je ne te comprends pas… — Écoute, ma chérie : |
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Je viens de découvrir que j’aimais ma patrie !… |
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Ma foi, c’est vrai, j’étais incrédule et railleur ; |
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C’est mon pays vaincu qui m’a rendu meilleur, |
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C’est pourquoi j’ai pleuré dans le fond de moi-même, |
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Comme si je perdais un des êtres que j’aime : |
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Je m’étais endormi ne croyant plus à rien… |
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Au réveil, je me suis relevé citoyen ! |
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— Des mots que tout cela ! des phrases de poète ! |
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Quelque rhéteur obscur t’aura monté la tête ! |
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Ta patrie est ici ; c’est ton enfant, c’est moi ! |
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Le reste ? que me fait le reste, excepté toi ? |
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Pourquoi donc vouloir faire une tâche plus grande |
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Que celle que la loi du peuple te demande ? |
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N’es-tu pas marié, n’es-tu pas père enfin ? |
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Reste ! tu dois rester ! |
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Reste ! tu dois rester ! — Oh ! c’est trop à la fin ! |
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Et tu ne comprends pas ! Que veux-tu que je dise |
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Alors ? Mais c’est à nous que l’invasion brise, |
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À nous dont elle vient menacer le foyer. |
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D’être une légion qui se lève en entier ! |
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Comment ! le prolétaire irait pour les défendre, |
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Lui qui n’a rien à perdre, eux dont on peut tout prendre ! |
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Comment ! étant époux, je suis moins citoyen, |
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Et la France en danger, je ne lui dois plus rien ! |
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Tiens ! écoute une voix qui parle haut à l’âme ! |
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Entends-tu le canon qui tonne ? Oh ! pauvre femme. |
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Pauvre mère ! Il en est qui tombent aujourd’hui, |
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Qui, le pays mourant, se sont levés pour lui. |
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Pour payer de leur sang ta défense et la nôtre, |
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Et je n’oserais pas me battre comme un autre ! |
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Et je resterais là, bras croisés, sans rien voir. |
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Quand il n’en est pas un qui n’ait fait son devoir ! |
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Car tu le veux ainsi, toi l’une des meilleures, |
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Car tu me vois remplir mon devoir, et tu pleures ! |
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Et tu ne m’as pas mis le fusil dans la main ! |
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Et quand, après cinq mois de jours sans lendemain, |
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Quand la France est debout tout entière enfiévrée. |
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Je me lève à mon tour pour la cause sacrée |
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Qui de chacun de nous eût dû faire un martyr, |
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Tu dis que je suis fou de songer à partir ! |
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Mais tu ne sens donc pas quel courant nous entraîne ? |
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Mais tu ne sens donc pas que l’heure est souveraine. |
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Et qu’il faut à présent oublier un passé |
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Que tout le sang d’un peuple aura vite effacé ! |
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Toi, Française, au moment où la tempête monte. |
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Tu te mets froidement du parti de la honte ! |
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Des mots, patriotisme, honneur !… Eu vérité. |
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C’est avec ces mots-là qu’on fait l’humanité. |
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Et si je dois mourir en défendant ma cause, |
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Je serai mort au moins pour sauver quelque chose ! |
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Mais tu baisses la tête et tu comprends aussi… |
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— Oui, j’étais lâche… Tiens ! va te battre ! |
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— Oui, j’étais lâche… Tiens ! va te battre ! — Merci ! |
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