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Oh ! comme on le raillait ce pauvre petit être, |
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Que tout disgracieux le ciel avait fait naître ! |
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Quand il était dehors tes méchants en riaient… |
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Lui, sentant dans ses yeux dos larmes qui brillaient. |
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Savait bien — Dieu souvent est trop injuste, en somme — |
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Que ce corps e bouffon cachait l'âme d'un homme, |
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Or, le dix-neuf, — voyant les soldats revenir, |
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Après avoir vaincu sans avoir pu tenir, |
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Je regardais pensif tous ces visages sombres : |
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Déjà la nuit partout avait jeté ses ombres, |
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Et comme on est plus triste à la nuit qu'en plein jour, |
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Je pleurais en dedans ce glorieux retour, |
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Et les pauvres héros tombés dans la bataille, |
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Lorsque je vis l'un d'eux, haussant sa maigre taille, |
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Par la foule, hors des rang, voulant être aperçu ; |
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Et la foule disait : Oh ! le petit bossu ! |
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Il était là, portant fièrement sur l'épaule, |
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Comme un comédien qui va jouer son rôle, |
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Le gros sac et la tente, ornements d'aujourd'hui, |
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Et le grand chassepot deux fois plus long que lui ! |
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Il paraissait, hélas ! brisé le pauvre diable, |
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D'un effort dont jamais on ne l'eût cru capable ; |
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Mais grandi par l'approche énorme du tombeau, |
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Ce petit bossu-là me parut le plus beau ! |
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Au moins son camarade avait une maîtresse, |
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Une femme, quelqu'un qui pour vous s'intéresse, |
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Et qui paye en baisers son glorieux labeur ; |
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Car la gloire a toujours sa monnaie en bonheur… |
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Mais lui, qui l'attendra ? mais lui, pauvre grotesque, |
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Dont la taille et le cœur n'ont rien de romanesque, |
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Qui lui dira : merci ! le soir, à son retour ? |
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Sa gloire, à lui, n'a pas sa monnaie en amour ! |
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