XXX |
ÉPISODE |
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Oui, leur œuvre est superbe il vaut bien qu'on la chante ! |
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Qu'importe à ces gens-là la rage ou l'épouvante ? |
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Qu'importe un monument qui s'écroule à moitié ? |
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Cela vaut tout au plus un geste de pitié ! |
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Quoi ! des soldats tués ! des hommes qui succombent ? |
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Ce n'est pas pour si peu que tous ces obus tombent ! |
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Ah ! Paris veut lutter ? ah ! Paris se défend ? |
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Bien ! nous tuerons la femme et nous tuerons l'enfant ! |
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Oh ! je vivrai cent ans sans que l'oubli commence ! |
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Écoutez : mon cœur saigne et bondit quand j'y pense : |
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La mère avait trente ans : son fils en avait dix. |
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Vous savez ? ces enfants éveillés et hardis, |
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Dont on dit : « ce garçon arrivera sans faute ! » |
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Eh bien ! je les ai vus étendus côte à côte, |
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Ayant encor gardé ce sourire attristé |
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De l'Être humain qui meurt et voit l'éternité ; |
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Je les ai vus, auprès d'un vieux mur en ruine, |
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Elle frappée au front et lui dans la poitrine ! |
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Dieu juste ! Dieu puissant crucifié pour nous ! |
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Toi l'être doux et bon qu'on adore à genoux, |
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Toi qui nous dis jadis par la voix des apôtres : |
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« Mes enfants, aimez-vous toujours les uns les autres… » |
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En plein jour, en ce siècle, et les pieds dans le sang, |
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Voilà, ce que j'ai vu, Dieu juste, Dieu puissant ! |
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Quoi qu'il puisse advenir de nous, ô pauvre France, |
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Va ! tu peux à tes pleurs mêler de l'espérance, |
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Car nous allons tous vivre, ardents à nous venger |
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Du sang parisien dans le sang étranger ! |
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Si l'heure doit venir demain ou l'autre année ; |
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Si tu restes encor plus longtemps condamnée, |
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Ou si nous ne touchons au but que dans cinq ans, |
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Nous inculquerons tous la haine à nos enfants ! |
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Ils apprendront à lire en lisant tes désastres ! |
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Et tout, l'homme, les fleurs, l'Océan et les astres, |
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Tout depuis l'être humain qui respire et qui sent, |
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Jusqu'à la chose brute et l'objet impuissant, |
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Afin de concourir à la tâche inhumaine, |
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Tout payera son tribut à notre œuvre de haine ! |
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Mais lorsque nous aurons assez longtemps vécu |
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Pour rendre sa vigueur à ton peuple vaincu, |
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— France, pardonne-moi ! — pour châtier leurs crimes, |
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Je n'aurai qu'à songer aux deux pauvres victimes, |
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Car ces deux innocents que j'ai vus massacrer |
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M'apprendront à haïr pour m'avoir fait pleurer ! |
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Paris, 19 Janvier 1871.
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