Métrique en Ligne
DLP_1/DLP29
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
L'INVASION
1870
1870
XXIX
LES ÉTRENNES DE PARIS
Allons ! pille, assassine, arrache, égorge encore, 12
O Temps inassouvi dont la faux nous dévore ! 12
Entasse, dans tes jours plus longs qu'un siècle entier, 12
Les ruines sans nom que fait le Hun altier ! 12
5 Va ! va ! poursuis ton vol au milieu de nos plaines, 12
Où l'invasion monte en tempêtes humaines ! 12
Fais couler de la ville au pays du labour 12
Le sang de Woerth après le sang de Wissembourg ! 12
Fais tomber cet espoir qui toujours se redonne 12
10 De Sedan qu'on trahit à Metz qu'on abandonne ! 12
Va toujours ! viens cerner Paris entre ses forts ; 12
Fais-lui comme ceinture un vaste champ de morts 12
Tombés pour son orgueil et pour sa délivrance ; 12
Enfin amasse tout, deuils, sanglots et souffrance, 12
15 Tu n'empêcheras point que nous, vaincus d'hier, 12
Debout sous le grand ciel qui luit joyeux et clair, 12
Nous ne venions, du fond de la ville cernée, 12
Te souhaiter, O France, une superbe année ! 12
Écoute, nous avons une étrenne à t'offrir : 12
20 Trois cent mille soldais qui sont prêts à mourir ! 12
Et nous avons souffert, va, les uns et les autres, 12
Car la neige et la faim ont frappé bien des nôtres ! 12
Le froid est dur pendant les grand'gardes de nuit… 12
Mais ta sainte pensée est là qui nous conduit, 12
25 Mais ton nom bien-aimé résonne à notre oreille, 12
Et tout cela nous rend la chaleur sans pareille, 12
Mystérieux accord appris par la douleur, 12
Qui fait monter le sang plus chaud à notre cœur ! 12
C'est un beau jour de l'an dans la ville assiégée ! 12
30 Les maudits qui la croient de désespoir rongée, 12
En proie aux factions des traîtres et des fous, 12
Oh ! s'ils pouvaient nous voir unis, résolus, tous ! 12
Oh ! s'ils pouvaient la voir, notre armée aguerrie, 12
Légions qu'enfanta l'appel de la patrie ! 12
35 Tous ces dormeurs d'hier réveillés à ton nom, 12
Et qu'a déjà brunis le souffle du canon ! 12
Et tout cela pour toi, France, mère adorée ! 12
Chacun a bien compris que l'heure était sacrée, 12
Et qu'il fallait lutter jusqu'à la mort ici 12
40 Pour que l'on pût là-bas se relever aussi ! 12
N'est-ce pas que l'étrenne est belle ? — On te l'envoie ! 12
Sache que nous souffrons ce qu'on souffre avec joie ; 12
Sache que tous ont mis les douleurs en commun, 12
Et que le désespoir cherche encore quelqu'un ! 12
45 Car pour tout oublier, larmes, craintes, prières, 12
Et tout le sang des fils, et tous les pleurs des mères, 12
El tous ceux qui partis ne sont pas revenus, 12
Pour nous faire oublier ces tourments inconnus 12
De la faim, du danger, du froid, de l'ignorance, 12
50 Il suffit qu'on se dise un seul mot : pour la France ! 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Allons ! pille, assassine, arrache, égorge encore, 12
O Temps inassouvi dont la faux nous dévore ! 12
Tu n'as pas empêché quo les vaincus d'hier, 12
Debout sous le grand ciel qui luit joyeux et clair, 12
55 Ne soient venus du fond de ta ville cernée, 12
Te souhaiter, ô France, une superbe année ! 12
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