Métrique en Ligne
DLP_1/DLP24
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
L'INVASION
1870
1870
XXIV
PRIÈRE
O toi dont le front pur s'illumine et rayonne, 12
Jeunesse, écoute-les, ces vers que je te donne ! 12
Amis, frères, vous tous qui me serrez la main, 12
Amis d'hier, peut-être ennemis de demain, 12
5 Écoutez un instant une voix jeune et forte 12
Qu'à travers son oubli mon âme vous apporte ! 12
Car je t'aime, ô jeunesse au cœur nerveux et fier, 12
Légion de héros qu'on ignorait hier, 12
Et qui, sortant demain de leur ombre profonde, 12
10 Apparaîtront vainqueurs en plein soleil du monde ! 12
— Tu sais ce qu'on a dit et ce qu'on dit sur toi : 12
Tu n'as plus d'avenir et tu n'as plus la foi ; 12
Ta sève s'est tarie au contact de notre âge, 12
Tu n'as plus ni fierté, ni force, ni courage, 12
15 Et ton bras ne pourrait soulever une fois, 12
L'armure que portaient nos pères d'autrefois ! 12
Le génie et l'amour, ces sœurs de la jeunesse, 12
Sont bien morts dans ton front, qu'on veut courber sans cesse !… 12
Mais va ! ne réponds rien ! — car si par une nuit, 12
20 Nos aïeux, délaissant leurs cercueils de granit, 12
Secouant sur le sol la poussière des tombes, 12
Venaient porterie poids sous lequel tu succombes, 12
Sans doute ils s'écrieraient, en baissant leurs fronts blancs 12
Sur leurs seins décharnés : Ceux-là sont des géants ! 12
25 — Ton armure est de fer ; elle a nom : l'Espérance. 12
Que t'importent la haine et le mépris immense ? 12
N'as-tu pas devant toi l'avenir ? — N'as-tu pas, 12
Ce qui vaut mieux encor que les biens d'ici-bas, 12
La foi, l'amour sublime et vierge de souillure, 12
30 Pour la belle déesse à l'âme forte et pure, 12
Qu'on veut chasser en vain du monde épouvanté, 12
— Que Dieu nomme : Grandeur ! — et l'homme : Liberté ? 12
Et pour la voir paraître au jour de la victoire, 12
Sur, son fier piédestal de triomphe et de gloire, 12
35 Ne combattras-tu pas l'âme et le corps en feu, 12
Énergique pour l'homme et modeste pour Dieu ? 12
Va, ton épée est rude : elle a nom : le Génie ; 12
Non pas celui qui doute ou celui qui renie, 12
Mais ce fier sentiment que rien ne peut dompter, 12
40 Dieu qui ne se vend pas, et qu'on veut acheter ; 12
Voix qui tonne et qui frappe au jour de la bataille, 12
Te faisant un rempart de corps jusqu'à la taille ; 12
Éclair qui gronde, part, illumine, et soudain 12
Pulvérise tyrans et trônes en chemin ! 12
45 Tiens ! — le tonnerre suit ; il éclate, terrible ! 12
Malheur à l'homme vil ! malheur à l'insensible ! 12
Malheur à qui fut traître et vendit son honneur, 12
Judas de la pensée, et trafiquants du cœur ! 12
Malheur à tous enfin que le mépris accable, 12
50 Car il les réduira plus minces que le sable ! 12
Oh ! ce tonnerre-là, quel terrible bourreau ! 12
Voyez,'tout disparaît dons la nuit du tombeau, 12
Tyrans, drôles, coquins, traîtres et courtisanes, 12
Regarde-les, tous ceux enfin que tu condamnes, 12
55 Évanouis, tombés, disparus sans retour, 12
La sombre nuit pour eux qui faisaient peur au jour ! 12
Car le tonnerre a dit, on poursuivant sa route, 12
Au tyran : Écoutez ! — Et le tyran écoute ! 12
Et se faisant du coup un royal échafaud, 12
60 La voix qui part d'en bas monte frapper en haut ! 12
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