ENFANTS ET JEUNES FILLES |
LES PROMENEURS |
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« Pourquoi vous a-t-on mis ce casque sur la tête ? |
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Allez-vous à la guerre ou bien dans les tournois ? |
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Cet appareil grillé vous donne un air sournois. |
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Je vous ai vu moins laid dans nos jours de conquête… » |
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— « Mon Dieu ! » dit l’autre chien (c’était deux chiens errants, |
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Cherchant aux carrefours à distraire leur vie), |
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« Peut-on, quand on est chien, se mettre à son envie ! |
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Tout maître a son caprice et nous sommes aux grands. |
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« Nous leur appartenons de la queue aux oreilles ; |
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Ce qu’ils en font, c’est triste, et vous n’avez qu’à voir. |
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Ils ont raison pourtant puisqu’ils ont le pouvoir. |
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N’avez-vous pas subi des justices pareilles ? |
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« On est gai de naissance ; eh bien, on ne rit plus. |
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Les sens ainsi gênés ne trouvent plus leurs voies ; |
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Étouffer notre souffle est une de leurs joies ; |
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Ces faits contre nature où les avions-nous lus ? |
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« Venez causer plus loin… je crois qu’on nous regarde. |
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Nos maîtres si hautains sont lâchés par moment. |
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On pourrait nous traiter comme un rassemblement, |
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Et pour nous disperser faire venir la garde. |
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« Contre ce lourd bonnet qui n’est pas de mon goût |
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J’ai beaucoup aboyé, mais c’est comme qui chante. |
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Tout cadenas tient bon sous une main méchante ! |
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Je ne peux plus toucher, mon frère, à rien du tout ! » |
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Durant cet entretien le plus libre s’arrête : |
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Un régal imprévu l’a séduit en marchant. |
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— « Voyez ! l’homme envers nous n’est pas toujours méchant |
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Il jette sur nos pas des vestiges de fête ! |
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« Celui-ci, partagé, vous remettrait le cœur ; |
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Mais pour thésauriser nous n’avons point d’armoire. |
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Il faut vider les plats sans payer le mémoire ; |
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Nous sommes à la chasse et je me fais piqueur ! » |
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Il mourut, car la fête était empoisonnée. |
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Ô mémoire flottante ! Ô candeur des petits ! |
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Ô perfides éveils d’incessants appétits ! |
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Ô vie à tout propos dans ta fleur moissonnée ! |
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L’empoisonneur sifflait, écorchant sans remords |
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Le chien, bon pour des gants. Sous son casque, et plus sombre, |
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L’autre disait tout bas, trottant seul et dans l’ombre : |
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«Heureux les muselés !… Mais plus heureux les morts !» |
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