Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
ENFANTS ET JEUNES FILLES
LA GRANDE PETITE FILLE
Maman ! comme on grandit vite ! 7
Je suis grande, j’ai cinq ans ! 7
Eh bien, quand j’étais petite, 7
J’enviais toujours les grands. 7
5 Toujours, toujours à mon frère, 7
S’il venait me secourir, 7
Même, quand j’étais par terre, 7
Je disais : « Je veux courir ! » 7
Ah ! c’était si souhaitable 7
10 De gravir les escaliers ! 7
À présent, je dine à table ; 7
Je danse avec mes souliers ! 7
Et ma cousine Mignonne 7
À qui j’apprends à parler 7
15 Du haut des bras de sa bonne 7
Boude, en me voyant aller. 7
Pauvre enfant ! Qu’elle est gentille 7
Quand elle pleure après moi ! 7
J’en fais ma petite fille ; 7
20 Je la baise comme toi, 7
Lorsque, me voyant méchante. 7
Tu chantais pour me calmer. 7
Je la calme aussi ; je chante 7
Pour la forcer de m’aimer. 7
25 Et puis, maman, je suis forte. 7
Bon papa te le dira. 7
Son grand fauteuil, à la porte. 7
Sais-tu qui le roulera ? 7
Moi ! c’est sur moi qu’il s’appuie 7
30 Quand son pied le fait souffrir ; 7
C’est moi qui le désennuie 7
Quand il dit : « Viens me guérir ! » 7
Ô maman, je te regarde 7
Pour apprendre mon devoir, 7
35 Et c’est doux d’y prendre garde 7
Puisque je n’ai qu’à te voir. 7
Quand j’aurai de la mémoire, 7
C’est moi qui tiendrai la clé, 7
Veux-tu, de la grande armoire 7
40 Où le linge est empilé ? 7
Nous la polirons nous-mêmes 7
De cire à la bonne odeur ; 7
Ô maman, puisque tu m’aimes 7
Je suis sage avec ardeur ! 7
45 Nous ferons l’aumône ensemble 7
Quand tes chers pauvres viendront. 7
Un jour, si je te ressemble, 7
Maman ! comme ils m’aimeront ! 7
Je sais ce que tu vas dire ; 7
50 Tous tes mots, je m’en souviens. 7
Là, j’entends que ton sourire 7
Dit : « Viens m’embrasser ! » Je viens ! 7
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