Métrique en Ligne
DES_4/DES404
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
FOI
RETOUR DANS UNE ÉGLISE
Église ! église où de mon âme, 8
Moitié de pleurs, moitié de flamme, 8
Et prompt comme l’eau de la mer, 8
Coula le flot le plus amer ; 8
5 Église où ma jeunesse blonde, 8
Craintive ensemble et vagabonde. 8
Attirée aux chants du saint lieu. 8
N’accourait pas toute vers Dieu ! 8
Église, où chaque dalle usée, 8
10 D’un tendre poids scandalisée, 8
Dénonça deux ans, jour par jour, 8
Des pas que rejoignait l’amour ! 8
Église où mon heure allait vite 8
Pour rencontrer à l’eau bénite 8
15 Une autre âme que j’y voyais. 8
Une main qu’ailleurs je fuyais ! 8
Église vainement austère 8
Où le doux encens de la terre, 8
Ruisselant sur mes longs cheveux 8
20 Égarait le cours de mes vœux ; 8
Église où mon humble famille, 8
Moins morte aux soupirs de sa fille, 8
Planait sur mon sort combattu 8
Et criait dans l’air : « Que veux-tu ? » 8
25 Le savais-je, ô Dieu de mon père ! 8
Où va-t-on vers ce qu’on espère ? 8
Où fuit-on l’ombre de ses pas ? 8
Dieu ! savais-je où l’on n’aime pas ! 8
Dieu des larmes, le sais-je encore ? 8
30 Je n’ai su qu’un mal qui dévore, 8
Un mal dont on n’ose souffrir, 8
Ni vivre, ô mon Dieu, ni mourir. 8
Église, église, ouvrez vos portes, 8
Et vos chaînes douces et fortes 8
35 Aux élancements de mon cœur 8
Qui frappe à la grille du chœur. 8
Ouvrez ! Je ne suis plus suivie 8
Que par moi-même et par la vie 8
Qui fait chanceler sous son poids 8
40 Mon âme et mon corps à la fois. 8
Ouvrez ! je suis triste et blessée, 8
Seule sous mon aile abaissée ; 8
Il n’est plus de pas sur mes pas, 8
Ni d’âme qui me parle bas. 8
45 Ouvrez ! à mon sort sans patrie. 8
Flottant comme une algue flétrie ; 8
Des deux voix tendres d’autrefois, 8
Vous n’entendrez plus qu’une voix ! 8
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