FAMILLE |
LAISSE-NOUS PLEURER |
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Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer, |
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Rends-nous notre ignorance ou laisse-nous pleurer ! |
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Promets-nous à jamais le soleil, la nuit même, |
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Oui, la nuit à jamais, promets-la-moi, je l’aime ! |
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Avec ses astres blancs, ses flambeaux, ses sommeils, |
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Son rêve errant toujours et toujours ses réveils ! |
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Et toujours, pour calmer la brûlante insomnie, |
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D’un monde où rien ne meurt l’éternelle harmonie ! |
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Ce monde était le mien quand, les ailes aux vents, |
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Mon âme encore oiseau rasait les jours mouvants ; |
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Quand je mordais aux fruits que ma sœur, chère aînée, |
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Cueillait à l’arbre entier de notre destinée. |
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Puis, en nous regardant jusqu’au fond de nos yeux |
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Nous éclations d’un rire à faire ouvrir les cieux. |
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Car nous ne savions rien. Plus agiles que l’onde, |
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Nos âmes s’en allaient chanter autour du monde, |
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Lorsqu’avec moi, promise aux profondes amours. |
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Nous n’épelions partout qu’un mot : « toujours ! toujours ! » |
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Philosophe distrait, amant des théories, |
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Qui n’ôtes ton chapeau qu’aux madones fleuries, |
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Quand tu diras toujours que vivre, c’est penser. |
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Qu’il faut que l’oiseau chante et qu’il nous faut danser. |
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Et qu’alors qu’on est femme il faut porter des roses. |
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Tu ne changeras pas le cours amer des choses. |
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Pourquoi donc nous chercher, nous qui ne dansons pas ? |
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Pourquoi nous écouter, nous qui parlons tout bas ? |
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Nous n’allons point usant nos yeux au même livre ; |
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Le mien se lit dans l'ombre où Dieu m’apprend à vivre. |
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Toi, qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer, |
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Rends-nous notre ignorance ou laisse-nous pleurer. |
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Vois, si tu n’as pas vu, la plus petite fille |
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S’éprendre des soucis d’une jeune famille, |
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Éclore à la douleur par le pressentiment, |
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Pâlir pour sa poupée heurtée imprudemment, |
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Prier Dieu, puis sourire en berçant son idole |
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Qu’elle croit endormie au son de sa parole. |
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Fière du vague instinct de sa fécondité. |
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Elle couve une autre âme à l’immortalité. |
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Laisse-lui ses berceaux : ta raillerie amère |
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Éteindrait son enfant… tu vois bien qu’elle est mère. |
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À la mère du moins laisse les beaux enfants, |
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Ingrats, si Dieu le veut, mais à jamais vivants ! |
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Sinon, de quoi ris-tu ? Va, j’ai le droit des larmes ; |
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Va, sur les flancs brisés ne porte pas tes armes. |
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Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer. |
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Rends-nous notre innocence ou laisse-nous pleurer ! |
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