Métrique en Ligne
DES_4/DES372
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
AMOUR
SIMPLE HISTOIRE
Tu m’as connue au temps des roses, 8
Quand les colombes sont écloses ; 8
Tes yeux alors pleins de soleil 8
Ont brillé sur mon teint vermeil. 8
5 Souriante à ma destinée. 8
Par la douce force entraînée, 8
Je ne t’aimai pas à demi, 8
Mon jeune ami, mon seul ami ! 8
À l’étonnement de nos âmes, 8
10 Tout jetait des fleurs et des flammes ; 8
Une feuille, un bruit de roseaux 8
Nous semblaient des hymnes d’oiseaux. 8
Quand ce beau temps sur notre tête 8
Sonnait à chaque heure une fête, 8
15 Nous n’étions mortels qu’à demi, 8
Mon jeune ami, mon seul ami ! 8
Puis tu t’en allas vers ta mère. 8
Et la vie eut une ombre amère ; 8
Autour de mon sort languissant, 8
20 L’été même allait pâlissant. 8
Les roses me paraient encore ; 8
Mais déjà, pleurant l’autre aurore, 8
Je n’aimai plus rien qu’à demi, 8
Sans mon ami, mon seul ami ! 8
25 Un jour, l’invincible espérance 8
Poussa ton vaisseau vers la France : 8
Tu me ranimas sur ton cœur… 8
Jeune, on ne meurt pas de bonheur ! 8
Mais la guerre appelait tes armes… 8
30 Sous tant de baisers et de larmes. 8
Je ne t’ai revu qu’à demi, 8
Mon jeune ami, mon seul ami ! 8
Plus tard, un enfant du village 8
Accourut, tout pâle au visage, 8
35 Disant : « Voulez-vous le revoir ? 8
Demain ce sera sans espoir. 8
Déjà les prières sont faites, 8
Venez vite ; comme vous êtes… » 8
Et je revins morte à demi. 8
40 Mon pauvre ami ! mon seul ami ! 8
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