Métrique en Ligne
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Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
AUX PETITS ENFANTS
LE COUCHER D’UN PETIT GARÇON
Regarde : plus de feux, plus de bruit. Tout se tait.
La lune tout à l’heure à l’horizon montait,
Tandis que tu parlais.
Victor Hugo.
Couchez-vous, petit Paul ! il pleut. C’est nuit : c’est l’heure. 12
Les loups sont au rempart. Le chien vient d’aboyer. 12
La cloche a dit : « Dormez ! » et l’ange gardien pleure, 12
Quand les enfants si tard font du bruit au foyer. 12
5 « Je ne veux pas toujours aller dormir ; et j’aime 12
À faire étinceler mon sabre au feu du soir ; 12
Et je tuerai les loups ! je les tuerai moi-même ! » 12
Et le petit méchant, tout nu, vint se rasseoir. 12
Où sommes-nous ? mon Dieu ! donnez-nous patience ; 12
10 Et surtout soyez Dieu ! soyez lent à punir ; 12
L’âme qui vient d’éclore a si peu de science ! 12
Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l’avenir. 12
L’oiseau qui brise l’œuf est moins près de la terre, 12
Il vous obéit mieux ; au coucher du soleil, 12
15 Un par un descendus dans l’arbre solitaire, 12
Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil. 12
Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ; 12
Sous le cygne endormi l’eau du lac bleu s’écoule, 12
Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants, 12
20 Son aile les enferme ; et moi, je vous défends ! 12
La lune qui s’enfuit, toute pâle et fâchée, 12
Dit : « Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ? » 12
Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ; 12
Au fond d’un cercle noir la voilà qui s’endort. 12
25 Le petit mendiant, perdu seul à cette heure, 12
Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyr ! 12
Dans la rue isolée où sa misère pleure, 12
Mon Dieu ! qu’il aimerait un lit pour s’y blottir ! 12
Et Paul, qui regardait encor sa belle épée, 12
30 Se coucha doucement en pliant ses habits ; 12
Et sa mère bientôt ne fut plus occupée 12
Qu’à baiser ses yeux clos par un ange assoupis ! 12
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