AUX MANES D’EDMOND GÉRAUD |
« Mon fils ! lui répond l’ermite,
De Notre-Dame-des-Bois
Le pouvoir est sans limite,
Et le ciel s’ouvre à sa voix :
Mais, hélas ! sur cette terre
Où l’homme ne vit qu’un jour,
Il n’est ni croix ni rosaire
Qui guérisse de l’amour ! »
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Edmond Géraud,
L’Ermite de Sainte-Avelle.
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Comme tout change vite ! Arbres de Belle-Allée, |
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Quoi ! vos ombres déjà couvrent un mausolée ! |
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Une ceinture noire endeuille un jeune enfant ; |
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Son âge y veut chanter ; la mort le lui défend. |
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Le rossignol ému, l’hirondelle hardie, |
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Revenus au printemps sous l’ardoise ou les fleurs, |
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Ont demandé peut-être à la frêle Élodie |
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Pourquoi son doux visage est tout pâle de pleurs. |
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Elle a dit : « Taisez-vous ; laissez dormir mon père. |
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Il ne chante plus avec nous. |
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Ne couvrez point ma voix ; car tout ce que j’espère, |
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C’est qu’il la reconnaît quand je prie à genoux. |
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« Mais ne vous sauvez pas : c’est encor sa demeure ; |
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Il aimait à nourrir vos nids et vos chansons ; |
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Ma mère sait par cœur ses pieuses leçons, |
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Et Dieu ne veut pas qu’elle meure ! |
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« Taisez-vous ; elle est veuve, et tout la fait pleurer. |
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Ne lui rappelez pas votre chant le plus tendre ; |
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Une lyre est brisée ; elle croirait l’entendre ; |
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Laissez-lui du silence et le temps d’espérer ! |
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« Écoutez : car l’enfant du barde et du poète |
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Sait épeler la vie en : mots harmonieux, |
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Et mon père a versé sur ma bouche muette |
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Des paroles d’amour qu’il allait prendre aux cieux. |
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« Et je les retiendrai : Je veux avec ma mère |
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Parler comme il parlait aux pèlerins troublés ; |
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Je sais comme il rendait leur route moins amère, |
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Quand ils s’éloignaient consolés ! |
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« C’est lui qui me portait, pour enhardir mon âge, |
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Où germent les oiseaux dans leurs œufs renfermés, |
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Quand je plongeais mon cœur dans votre frais ménage, |
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Pour compter des petits, comme moi tant aimés ! |
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« Regarde ! disait-il ; oh ! regarde, ma fille ! |
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C’est ainsi que ta mère a couvé notre enfant ; |
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L’âme du rossignol s’use pour sa famille !… » |
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Et puis, il me berçait sur son cœur triomphant. |
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« Puis, un soir dans ses yeux tremblait une lumière, |
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Pareille à cette étoile. — Hélas ! je l’aime bien ! — |
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Et de sa bouche encor sortit une prière |
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Mélodieuse… et puis je n’entendis plus rien. |
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« Le lendemain, ma mère était seule et couchée ; |
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Une parure affreuse enveloppait ses pleurs ; |
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Et sous la noire étreinte à mon corps attachée, |
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Moi ! je passe un printemps sans baisers et sans fleurs. » |
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Mais l’enfant n’a pas dit, barde de Sainte-Avelle, |
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Ton cortège de gloire au dernier de tes jours ; |
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Et nos bouquets lointains vers une ombre nouvelle, |
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Qui s’en retourne jeune où l’on aime toujours ! |
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Oui ! le dernier adieu d’une lyre expirée |
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Sonne le rendez-vous pour un autre avenir ; |
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Il tinte une prière ! une plainte sacrée, |
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Qui roule avec tristesse au fond du souvenir ! |
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