| LE MAL DU PAYS |
Ce front facile à se rider, ces joues légèrement
creusées, gardaient, l’empreinte du sceau dont le
malheur marque ses sujets, comme pour leur
laisser la consolation de se reconnaître d’un regard
fraternel, et de s’unir pour lui résister.
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| Madame de Balzac. |
Clémentine adorée, âme céleste et pure,
Qui, parmi les rigueurs d’une injuste maison,
Ne perd point l’innocence en perdant la raison.
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Je veux aller mourir aux lieux où je suis née : |
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Le tombeau d’Albertine est près de mon berceau ; |
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Je veux aller trouver son ombre abandonnée ; |
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Je veux un même lit près du même ruisseau. |
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Je veux dormir. J’ai soif de sommeil, d’innocence, |
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D’amour ! d’un long silence écouté sans effroi, |
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De l’air pur qui soufflait au jour de ma naissance, |
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Doux pour l’enfant du pauvre et pour l’enfant du roi. |
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J’ai soif d’un frais oubli, d’une voix qui pardonne. |
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Qu’on me rende Albertine ! elle avait cette voix |
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Qu’un souvenir du ciel à quelques femmes donne ; |
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Elle a béni mon nom… autre part… autrefois ! |
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Autrefois !… qu’il est loin le jour de son baptême ! |
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Nous entrâmes au monde un jour qu’il était beau : |
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Le sel qui l’ondoya fut dissous sur moi-même, |
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Et le prêtre pour nous n’alluma qu’un flambeau. |
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D’où vient-on quand on frappe aux portes de la terre ? |
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Sans clarté dans la vie, où s’adressent nos pas ? |
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Inconnus aux mortels qui nous tendent les bras, |
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Pleurants, comme effrayés d’un sort involontaire. |
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Où va-t-on quand, lassé d’un chemin sans bonheur, |
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On tourne vers le ciel un regard chargé d’ombre ? |
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Quand on ferme sur nous l’autre porte, si sombre ! |
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Et qu’un ami n’a plus que nos traits dans son cœur ? |
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Ah ! quand je descendrai rapide, palpitante, |
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L’invisible sentier qu’on ne remonte pas, |
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Reconnaîtrai-je enfin la seule âme constante |
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Qui m’aimait imparfaite et me grondait si bas ? |
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Te verrai-je, Albertine ! Ombre jeune et craintive ; |
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Jeune, tu t’envolas peureuse des autans : |
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Dénouant pour mourir ta robe de printemps, |
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Tu dis : « Semez ces fleurs sur ma cendre captive. » |
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Oui ! je reconnaîtrai tes traits pâles, charmants, |
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Miroir de la pitié qui marchait sur tes traces, |
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Qui pleurait dans ta voix, angélisait tes grâces, |
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Et qui s’enveloppait dans tes doux vêtements ! |
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Oui, tu ne m’es qu’absente, et la mort n’est qu’un voile, |
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Albertine ! et tu sais l’autre vie avant moi. |
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Un jour, j’ai vu ton âme aux feux blancs d’une étoile ; |
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Elle a baisé mon front, et j’ai dit : « C’est donc toi ! » |
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Viens encor, viens ! j’ai tant de choses à te dire ! |
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Ce qu’on t’a fait souffrir, je le sais ! j’ai souffert. |
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Ô ma plus que sœur, viens ! ce que je n’ose écrire, |
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Viens le voir palpiter dans mon cœur entr’ouvert ! |
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