TRISTESSE |
Une fille est née dans la classe du peuple,
et malgré le triste avenir qui lui est réservé,
sa naissance a été accueillie comme un joyeux événement.
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Elle est heureuse, car le soleil brille, la pluie
tombe, l’arc-en-ciel étend ses couleurs, et les
oiseaux chantent pour elle. Son sommeil est pro
fond et doux, ses jeux gais et vifs, son pain déli
cieux ! Elle ne sait pas le secret d’être mécontente
de ce qu’elle possède.
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Un auteur anglais. |
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N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère ? |
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N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ? |
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D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ? |
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D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ? |
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D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs ? |
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C’est que, pour retourner à ces fraîches prémices, |
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À ces fruits veloutés qui pendent au berceau, |
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Prête à se replonger aux limpides calices |
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De la source fuyante et des vierges délices, |
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L’âme hésite à troubler la fange du ruisseau. |
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Quel effroi de ramper au fond de sa mémoire, |
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D’ensanglanter son cœur aux dards qui l’ont blessé, |
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De rapprendre un affront que l’on crut effacé, |
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Que le temps… que le ciel a dit de ne plus croire, |
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Et qui siffle aux lieux même où la flèche a passé ! |
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Qui n’a senti son front rougir, brûler encore, |
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Sous le flambeau moqueur d’un amer souvenir ? |
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Qui n’a pas un écho cruellement sonore, |
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Jetant par intervalle un nom que l’âme abhorre, |
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Et la fait s’envoler au fond de l’avenir ? |
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Vous aussi, ma natale, on vous a bien changée ! |
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Oui ! quand mon cœur remonte à vos gothiques tours, |
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Qu’il traverse, rêveur, notre absence affligée, |
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Il ne reconnaît plus la grâce négligée |
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Qui donne tant de charme au maternel séjour ! |
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Il voit rire un jardin sur l’étroit cimetière, |
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Où la lune souvent me prenait à genoux ; |
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L’ironie embaumée a remplacé la pierre |
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Où j’allais, d’une tombe indigente héritière, |
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Relire ma croyance au dernier rendez-vous ! |
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Tristesse ! après longtemps revenir isolée, |
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Rapporter de sa vie un compte douloureux, |
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La renouer malade à quelque mausolée, |
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Chercher un cœur à soi sous la croix violée, |
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Et ne plus oser dire : « Il est là ! » c’est affreux ! |
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Mais cet enfant qui joue et qui dort sur la vie, |
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Qui s’habille de fleurs, qui n’en sent pas l’effroi, |
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Ce pauvre enfant heureux que personne n’envie, |
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Qui, né pour le malheur, l’ignore et s’y confie, |
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Je le regrette encor, cet enfant, c’était moi. |
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Au livre de mon sort si je cherche un sourire, |
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Dans sa blanche préface, oh ! je l’obtiens toujours |
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A des mots commencés que je ne peux écrire, |
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Éclatants d’innocence et charmants à relire, |
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Parmi les feuillets noirs où s’inscrivent mes jours ! |
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Un bouquet de cerise, une pomme encor verte, |
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C’étaient là des festins savourés jusqu’au cœur ! |
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À tant de volupté l’âme neuve est ouverte, |
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Quand l’âpre affliction, de miel encoreencor couverte, |
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N’a pas trempé nos sens d’une amère saveur ! |
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Parmi les biens perdus dont je soupire encore, |
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Quel nom portait la fleur… la fleur d’un bleu si beau, |
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Que je vis poindre au jour, puis frémir, puis éclore, |
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Puis que je ne vis plus à la suivante aurore ? |
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Ne devrait-elle pas renaître à mon tombeau ! |
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Douce église ! sans pompe, et sans culte et sans prêtre, |
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Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix, |
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Où la ronce montait fière à chaque fenêtre, |
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Près du Christ mutilé qui m’écoutait peut-être, |
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N’irai-je plus rêver du ciel comme autrefois ? |
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Oh ! n’a-t-on pas détruit cette vigne oubliée, |
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Balançant au vieux mur son fragile réseau ? |
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Comme l’aile d’un ange, aimante et dépliée, |
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L’humble pampre embrassait l’église humiliée |
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De sa pâle verdure où tremblait un oiseau ! |
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L’oiseau chantait, piquait le fruit mûr, et ses ailes |
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Frappaient l’ogive sombre avec un bruit joyeux ; |
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Et le soleil couchant dardait ses étincelles |
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Aux vitraux rallumés de rougeâtres parcelles |
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Qui me restaient longtemps ardentes dans les yeux. |
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Notre-Dame ! aujourd’hui belle et retentissante, |
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Triste alors, quel secret m’avez-vous dit tout bas ? |
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Et quand mon timbre pur remplaçait l’orgue absente, |
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Pour répondre à l’écho de la nef gémissante, |
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Mon frêle et doux Ave, ne l’écoutiez-vous pas ? |
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Et ne jamais revoir ce mur où la lumière |
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Dessinait Dieu visible à ma jeune raison ! |
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Ne plus mettre à ses pieds mon pain et ma prière ! |
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Ne plus suivre mon ombre au bord de la rivière, |
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Jusqu’au chaume enlierré que j’appelais maison ! |
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Ni le puits solitaire, urne sourde et profonde, |
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Crédule, où j’allais voir descendre le soleil, |
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Qui faisait aux enfants un miroir de son onde. |
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Elle est tarie… Hélas ! tout se tarit au monde ; |
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Hélas ! la vie et l’onde ont un destin pareil ! |
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Ne plus passer devant l’école bourdonnante, |
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Gage en fleurs où couvaient, où fermentaient nos jours, |
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Où j’entendis, captive, une voix résonnante |
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Et chère ! à ma prison m’enlever frissonnante : |
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Voix de mon père, ô voix ! m’appelez-vous toujours ? |
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Où libre je pâlis de tendresse éperdue, |
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Où je crus voir le ciel descendre, et l’humble lieu |
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S’ouvrir ! Mon père au loin m’avait donc entendue ? |
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Fière, en tenant sa main, je traversai la rue ; |
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Il la remplissait toute ; il ressemblait à Dieu ! |
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Albertine ! et là bas flottait ta jeune tête, |
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Sous le calvaire en fleurs ; et c’était loin du soir ! |
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Et ma voix bondissante avait dit : « Est-ce fête ? |
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Ô joie ! est-ce demain que Dieu passe et s’arrête ? » |
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Et tu m’avais crié : « Tu vas voir ! tu vas voir ! » |
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Oui ! c’était une fête, une heure parfumée ; |
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On moissonnait nos fleurs, on les jetait dans l’air ; |
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Albertine riait sous la pluie embaumée ; |
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Elle vivait encor ; j’étais encore aimée ! |
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C’est un parfum de rose— il n’atteint pas l’hiver. |
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Du moins, n’irai-je plus dans l’enclos de ma mère ? |
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N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ? |
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D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ? |
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D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ? |
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D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs ? |
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