Métrique en Ligne
DES_2/DES215
Marceline DESBORDES-VALMORE
LES PLEURS
1830
ADIEU !
Ce soleil un instant voilera son visage,
Et sans la rallumer laissera son image
S’éteindre au fond de l’eau.
Joseph de Lorme.
Partir ! tu veux partir ! ta voix chère et cruelle, 12
Qui m’atteint dans le cœur, m’a dit : Je vais partir ! 12
Sais-tu… Non. Pour me plaindre il faut me ressentir, 12
Et tu doutes souvent, et toi seul es fidèle ; 12
5 Et je ne t’aime pas ! tu le sauras un jour : 12
Crains de le trop apprendre ; avance ton retour. 12
Ton retour ! Tu pars donc ? Oui, tu veux voir ton père ! 12
Fais-lui de ma tristesse au moins un jour prospère. 12
Les larmes ont un prix ; offre-les-lui pour moi ; 12
10 Va, j’attendrai ma vie… et tu sais que c’est toi ! 12
Va, dans tous les baisers d’un enfant qu’il adore, 12
Lui porter les baisers de l’enfant qu’il ignore ; 12
Mets sur son cœur mon cœur, mon respect, mon amour : 12
Il est aussi mon père, il t’a donné le jour ! 12
15 Partir !… que je voudrais, invisible et hardie, 12
M’asseoir sur tes genoux, près de ses cheveux blancs ! 12
Les toucher de mes mains, et, sous tes bras tremblants, 12
Contempler le mortel à qui je dois ta vie ! 12
Et la sienne sans toi s’effeuille… Quittons-nous ! 12
20 Porte de frais parfums à sa saison austère, 12
Toi la plus belle fleur qu’il sema sur la terre ! 12
Mais, pour le demander, ne sois plus à genoux ; 12
Car, mon cœur est trop près de ton cœur qui soupire, 12
Et ce mot qui sépare… il faut enfin le dire ! 12
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