MINUIT |
Je veux vivre dans l’air qu’a respiré ta bouche.
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Charles Nodier. |
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Quand je sens entre nous la cité tout entière, |
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Ses ténèbres, ses feux, ses jardins, et le port, |
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Et le fleuve, et l’église, et le froid cimetière, |
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Je ne respire plus. Un douloureux transport |
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Entraîne loin de moi sur ta trace perdue , |
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Ma faiblesse qui pleure et qui cherche, assidue, |
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Ta vie et ton courage imprudent. Car jamais |
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L’heure qui dit : silence ! et qui défend qu’on veille, |
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Ne jette loin de moi sa voix dans ton oreille ; |
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Et tu ris quand j’écoute, ou que, d’un doigt prudent, |
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Je te montre minuit qui passe en nous grondant. |
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Tu ris ! tu ne crois pas, et moi, je veux y croire |
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À ces contes mêlés d’une tragique histoire. |
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J’en sais mille ! et le soir j’en invente ; et ma peur |
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Les sème sur ta route où mon âme regarde, |
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Où je vais dans mon rêve, élan doux et trompeur, |
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T’enlacer de mes bras et te crier : — Prends garde ! |
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Vois-tu, mon bien-aimé, l’ombre qui te poursuit, |
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Qui tremble, qui t’arrête où l’onde est dangereuse, |
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Qui rend tes pas moins sûrs et l’eau plus ténébreuse ? |
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C’est moi, triste ! Ah ! tu sais, tout est triste la nuit : |
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Ses astres sont voilés, son silence a des plaintes ; |
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L’eau ressemble à des pleurs ; |
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Elle rend la mémoire ou l’effroi des malheurs ; |
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Et l’amour isolé marche sur mille craintes. |
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Juge, quand un orage éclate au haut des airs, |
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Quand j’entends l’hirondelle affronter les éclairs, |
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Quand le chien prophétique hurle son noir présage, |
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Et que sur ta maison s’arrête un lourd nuage ; |
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Plains-moi : l’air qui te manque, affaisse mes genoux ; |
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Sous l’effroi qui m’étouffe, et m’enchaîne, et me glace, |
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Je présente mon cœur au coup qui te menace ; |
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Je prie avec ton nom, je le jette entre nous ; |
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Je signale ta vie à quelque ange qui m’aime ; |
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Il t’a vu dans mon âme, il te prend pour moi-même ; |
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Si je pleure, il te cherche en tremblant pour mes jours. |
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Sauve-les ! sauve-toi sous ses ailes humides ; |
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Il n’éteint que la foudre, et, tendre aux feux timides, |
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S’il garde mon bonheur, il te suivra toujours ! |
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